jeudi 24 janvier 2013

LA CHARTE MANDINGUE


La Charte Mandingue : 1ère Déclaration des Droits Humains au monde date de 1222
La Charte du Mandingue ou « Mandingue kalikan », aurait été proclamée en 1222, lors de l’intronisation de Soundjata Keita comme empereur du Mali, par la confrérie des chasseurs dont il en faisait partie. d’ailleurs Soundjata possédait le titre de Simbo « maitre chasseur »
Cette charte est l’une des première déclaration des Droits de l’Homme, elle a une vocation universelle. La charte est citée comme référence dans certains articles juridiques actuelles et elle a même servi de modèle à nos constitutions.
Elle pose en principe, le respect de la vie humaine, la liberté individuelle et la solidarité. Elle affirme l’opposition totale de la confrérie des chasseurs à l’esclavage qui était devenu courant en Afrique de l’ouest. En effet, l’abolition de l’esclavage fut une œuvre maîtresse de Soundjata Keïta.
Voici un extrait qui comporte sept paroles :
• 1 Respect d’une vie : Toute vie humaine est une vie.. Il est vrai qu’une vie apparaît à l’existence avant une autre mais une vie n’est pas plus ancienne, plus respectable qu’une autre vie. De même qu’une vie ne vaut pas mieux qu’une autre vie.
• 2 Réparation des torts : Toute vie étant une vie, tout tort causé à une autre vie exige réparation. Par conséquent, que nul ne s’en prenne gratuitement à son voisin, que nul ne cause de tort à son prochain, que nul ne martyrise son semblable.
• 3 L’esprit de famille et l’importance de l’éducation : Que chacun veille sur son prochain, que chacun vénère ses géniteurs, que chacun éduque ses enfants, que chacun pourvoie aux besoins des membres de sa famille.
• 4 La patrie : Que chacun veille sur la terre de ses pères (…) car tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface connaîtrait le déclin et la désolation.
• 5 Bannir la servitude et la famine : La faim n’est pas une bonne chose, l’esclavage non plus n’est pas bonne chose. Il n’y a pire calamité que ces choses-là, dans ce bas monde. Tant que nous disposerons du carquois et de l’arc, la famine ne tuera personne dans le Manden (…), la guerre ne détruira plus jamais les villages pour y prélever des esclaves. C’est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable, pour aller le vendre ; personne ne sera non plus battu au Mandé a fortiori mis à mort, parce qu’il est fils d’esclave.
• 6 Rejet de la guerre : L’essence de l’esclavage est éteinte ce jour d’un mur à l’autre du Mandé. Les razzias sont bannies à compter de ce jour au Mandé, les tourments nés de ces horreurs disparaîtront à partir de ce jour au Mandé. Quelle épreuve que le tourment ! surtout lorsque l’opprimé ne dispose d’aucun recours. L’esclave ne jouit d’aucune considération, nulle part dans le monde.
• 7. La liberté d’agir, de parler : L’homme en tant qu’individu, fait d’os et de chair, de moelle et de nerfs, de peau recouverte de poils et de cheveux, se nourrit d’aliments et de boissons. Mais son « âme », son esprit vit de trois choses : Voir qui il a envie de voir, Dire ce qu’il a envie de dire et faire ce qu’il a envie de faire. Si une seule de ces choses venait à manquer à l’âme humaine, elle en souffrirait et s’étiolerait sûrement. »
Tel est le serment du Mandingue à l’adresse des oreilles du monde tout entier.
source : SOUNDJATA KEITA : UNE VIE, UN DESTIN, UN EMPIRE

L'ETAT FEDERAL DE L'AFRIQUE NOIRE, LA SEULE ISSUE


LES EGYPTIENS ETAIENT NOIRS


L'EGYPTE ANTIQUE PHARAONIQUE


ORIGINE DE L'HUMANTITE ET PHENOTYPE DES ANCIENS EGYPTIENS


mercredi 23 janvier 2013

LES 42 COMMANDEMENTS DE DIEU DANS LA VALLEE DU NIL


PROFESSEUR OBENGA - LA SPIRITUALITE DES GRANDS HOMMES


ALTERNATIVE POUR LA COMMEMORATION DU CINQUANTENAIRE DE L'INDEPENDANCE


FASCICULE 4, ALTERNATIVE POUR LA COMMEMORATION DU CINQUANTENAIRE DE L’INDEPENDANCE DE LA COTE D’IVOIRE
par Traoré Adama et yao N'Guetta. Les PPA, les Presses Per Ankh d’Abidjan, février 2012


   1 - LA PLACE DES PEUPLES ET CULTURES DE COTE D’IVOIRE DANS LE CINQUANTENAIRE DE L’INDEPENDANCE.
Par Traoré Adama membre de kemetmaat

Présentation du texte :
Ce texte, rédigé en 2010, est une contribution de Kemetmaat qui propose sa vision de la commémoration du cinquantenaire de l’indépendance de Côte d’Ivoire. Il a été présenté au Comité National pour le Cinquantenaire de Côte d’Ivoire (CNCCI) et paru dans le  magazine culturel Scrib – Magazine.  Les auteurs observent que cinquante après l’indépendance et malgré elle, les cultures nationales sont expulsées de l’espace publique et réduites à la clandestinité. Pour l’Association, la commémoration de cinquantenaire doit être l’occasion de consacrer la reconnaissance des peuples de Côte d’Ivoire et de leurs cultures en leur accordant la juste place qui leur revient dans l’organisation des festivités et tracer ainsi les sillons pour l’avenir.

1 :  L’analyse

Depuis plus d’un siècle, les peuples de Côte d’Ivoire sont privés pour l’essentiel de la reconnaissance pleine et entière de leur patrimoine culturel, relégué au rang de folklore.

La vie quotidienne nous donne à voir de nombreuses illustrations de cette situation.

La mémoire nationale est monopolisée par les héros français de la colonisation, les hommes et les faits socio-politiques français ; Bingerville, Treichville, Clozel, Angoulvant, Latrille, de Gaulle, Valérie Giscard d’Estaing, François Mitterrand, monument aux morts du plateau au fronton duquel est gravée la croix de la Lorraine, etc.

La ville de Bingerville porte encore le nom Louis-Gustave Binger, premier gouverneur de la Côte d’Ivoire.

L’arrêt du 27 décembre 1934 décide de manière autoritaire que « L’agglomération d’Anoumanbo, faubourg d’Abidjan, portera désormais le nom de Treichville ». Treich- Laplène est considéré par l’histoire coloniale comme le fondateur de la colonie de Côte d’Ivoire.
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François Clozel, Gouverneur de la Colonie de Côte d’Ivoire (1902-1908) porte la responsabilité des massacres de son gouvernorat.
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Le bourreau Grabriel Angoulvant, Lieutenant Gouverneur de la Colonie de Côte d’Ivoire ( 1908-1916). Auteur de génocides et des massacres des peuples. Il a définitivement défait et démantelé  les anciens Etats, leurs structures économiques et sociales.  Il reçoit ici la réédition des chefs indigènes.
Des villages, villes, peuples et personnes ont gardé les noms déformés ou fantaisistes  que leur avaient attribué les administrateurs coloniaux.

Au niveau de l’éducation nationale, l’enseignement de l’histoire des peuples d’Afrique et de Côte d’Ivoire en particulier est une entreprise frustrante de falsification et d’occultation.
L’enseignement des cultures nationales est réduit à la portion congrue avec notamment l’utilisation d’une langue étrangère (le français) comme langue exclusive d’enseignement. L’usage des langues nationales dans les institutions et les administrations publiques et privées est exclu par les textes et/ou dans la pratique.

Il en est ainsi des costumes nationaux. Les cultes autochtones n’ont pas comme les cultes importés, accès aux subsides de l’Etat et aux médias. Les autorités traditionnelles qui étaient en première ligne de la lutte anticoloniale sont instrumentalisées par l’administration et réduit au statut  d’auxiliaire.
Houphouët- Boigny et Kouamé N’krumah deux projets culturels différents à travers le symbole des costumes le jour de la proclamation de l’indépendance de leur pays. A gauche Houphouët et son épouse  en costumes européens le 7 Août 1960 et à droite Kouamé N’Kumah et les membres de son cabinet en costume africain le 6 mars 1957. C’est le projet de l’assimilation de la culture française contre celui de l’affirmation de la culture africaine.

Au total, les cultures nationales sont expulsées de l’espace publique, et réduites à la clandestinité. Avec elles, les  peuples porteurs de ces cultures. Sous le prétexte de la lutte contre le tribalisme et la défense de la forme républicaine de l’Etat, l’identité et la personnalité des peuples sont niées.

Pourtant, l’indépendance pour la Côte d’Ivoire devrait être l’acquisition de sa totale souveraineté par opposition au fait d’être régenté par une autorité coloniale. Cette souveraineté est politique mais elle  se décline sous différentes formes ; économique, militaire, culturelle, etc. ;

Le cinquantenaire doit contribuer à redonner au mot indépendance le sens que lui donnaient nos pères et nos mères. En effet, en luttant contre le colonialisme, les ivoiriens cherchaient à se libérer de toutes les formes d’oppression mais en particulier ils se battaient pour préserver leur personnalité c'est-à-dire leur histoire, leur mémoire, leur vision du monde, leurs mythes, leur langue,  leur spiritualité en un mot leur culture.

Les dirigeants africains de Lôkhoda (Côte d’Ivoire) ont lutté jusqu’au bout pour leur indépendance. Ici une scène de reddition des souverains visant à les humilier.

En commémorant l’indépendance, c’est d’abord les peuples, acteurs de cette indépendance qui sont célébrés.

Aussi le cinquantenaire de l’indépendance de la côte d’Ivoire doit – il consacrer la reconnaissance des peuples de côte d’Ivoire et de leurs cultures en leur accordant la juste place qui leur revient dans l’organisation des festivités.

En le faisant, le cinquantenaire aura par la même occasion tracé les sillons de l’avenir pour une Côte d’Ivoire indépendante réconciliée avec son identité culturelle, c'est-à-dire avec elle – même.

Le cinquantenaire doit s’offrir à nous comme une étape historique de l’affirmation de la personnalité culturelle de la Côte d’Ivoire.

Partie 2 : Les propositions

Aussi nous proposons deux  axes d’actions :
- Les festivals des peuples, des langues et des cultures de Côte d’Ivoire,
- Les actions en faveur de la  mémoire nationale.

21)    Les Festivals régionaux des peuples, des langues et des cultures de Côte d’Ivoire

Les Festivals régionaux  des peuples, des langues et des cultures de Côte d’Ivoire sont un ensemble de manifestations qui visent à mettre en exergue la richesse du patrimoine culturel des peuples de Côte d’ivoire ;  histoire, langues, mythes, littérature, arts, sports, jeux, gastronomie, costumes etc.

Par ailleurs il s’agit également de permettre une participation active et populaire des citoyens à la célébration du cinquantenaire.

Les festivals sont déterminés en fonctions des  grands ensembles linguistiques et culturels de la Côte d’Ivoire. Kemetmaat propose 8 festivals qui se dérouleront dans les villes suivantes après concertation avec les autorités traditionnelles :
- Gagnoa ( Krou)
- San-Pédro (krou du sud)
- Korhogo (Gur)
- Man (Mandé du Sud)
- Odiénné (Mandé du nord),
- Sakassou ( Akan baoulé)
- Abengourou (Akan Agni)
- Abidjan (Akan lagunaire)

L’usage des langues nationales et des costumes pendant ces manifestations seront privilégiés.
Chaque Festival comprend au moins les activités suivantes :

1 -Une cérémonie d’ouverture du festival en collaboration avec le collectif des autorités traditionnelles suivi de parades des danses
2 – Un atelier de réflexion multilingues français/ langues nationales. Il sera organisé pour permettre un dialogue entre chercheurs, autorités traditionnelles, politiques  et intellectuels sur le thème « sauvegarde et usage des cultures de côte d’ivoire dans la société moderne ».
3 – Des expositions d’objets d’art de l’aire culturel considéré accompagnées par des conférences- débats multilingues français/langues nationales seront organisées.
4  - Une soirée populaire de contes, légendes et théâtre.
5 -  Une soirée populaire de prestations de danses, de musiques et de chansons
6 - Une journée consacrée aux jeux et sports spécifiques aux peuples considérés
7 - Un concours de démonstrations gastronomiques
8 –Un concours de costumes du territoire considéré ; traditionnels ou modernes sera organisé par des professionnels de l’aire.
9 – Une fête de la culture et des langues dans les écoles. Une séance de cours sur l’histoire et la civilisation de l’aire sera organisée pendant cette journée.
10 – Une grande parade de clôture du festival (carnaval).


Sankôfa est le nom donné par les akan à un oiseau migrateur et qui  se traduit littéralement par retourne (san), va (kô) ramène (fa). Il  signifie « se nourrir  du passé pour mieux aller de l’avant ». C’est la quête akan de la connaissance

22) Les actions en faveur de la mémoire nationale

Un comité scientifique doit être mis en place pour réfléchir  sur la place de la mémoire nationale et de l’histoire dans notre société et mettre en œuvre quelques recommandations.

-  De la nécessité de la révision des dénominations des lieux géographiques et des personnes.

Quand le colonisateur s’est emparé de la Côte d’Ivoire, il l’a rebaptisé d’après lui-même, s’imposant comme la source unique et « universelle » du savoir. En effet l’un des premiers actes posés par les navigateurs et les administrateurs a été de renommer les espaces, les cours d’eau, les villes, les peuples et les personnes etc.

Le pouvoir de se nommer est au coeur de la question de la souveraineté nationale  car « l’ultime liberté, celle dont toutes les autres dépendent en dernière instance, est la liberté de nommer soi- même sa propre réalité » (Ama Mazama, 2003).

Un atelier de réflexion examinera la question de la mise en concordance des noms des lieux géographiques, des peuples et des personnes avec la mémoire nationale.

Il s’agit de redonner aux peuples, personnes, villages, villes, collines, montagnes et cours d’eau  leur nom d’origine. Dans cette perspective, une réflexion sur le nom de la Côte d’ Ivoire devra être également entreprise. On sait par exemple que le mot Cote d’voire serait la traduction par la France du mot lôkhoda, mot utilisé par les indigène du pays krou pour désigner leur pays et qui signifie en langue krou le « pays des éléphants ».

Il s’agit également de « débaptiser » les lieux publics qui portent les noms des colons pour leur attribuer les noms des précurseurs de la lutte anticoloniale, des héros de l’indépendance et des hommes et femmes qui ont marqué la vie politique, sociale et culturelle de la Côte d’Ivoire pendant les cinquante ans qui ont suivi les indépendances.

Il faudrait d’ailleurs proposer la révision de la politique de « nomination » des rues et des villes de Côte d’Ivoire. Il faut remplacer les lettres et chiffres actuels par :
- Des noms tirés de la faune, de la flore, de la géographie (montagnes, fleuves et rivières, lieudits, etc) et de l’histoire de notre pays ;
- Des noms de héros nationaux, de personnalités qui ont marqué notre histoire, de rois et de reines de légende ou simplement historiques ;
- Des noms des peuples et langues de Côte d’Ivoire ;
- Des noms de nos artistes, intellectuels et écrivains qui ont marqué leur époque.
Dans tous les pays normaux du monde, l’histoire se lit aussi à travers les noms des rues !

-  De la place de la culture nationale et de l’histoire dans les programmes et manuels scolaires

Une évaluation de la place de la culture nationale dans l’enseignement s’impose. La commission fera une critique des programmes et des manuels scolaires dans la perspective d’accroître la place de la culture nationale et notamment celle de l’histoire de la Côte d’ivoire et de l’Afrique.

-  De la mémoire de l’indépendance et de la lutte anti-coloniale

Le cinquantenaire doit se préoccuper de la place de l’indépendance et de la longue lutte anti-coloniale dans la mémoire collective.


Le travail forcé en Côte d’Ivoire. Aucun symbole pour se souvenir de  grand crime

Aussi à Sakassou, Tiassalé, Bouaké, Abengourou, Zaranou, Daloa, Bouaflé, Séguéla, Dimbokro, Treicheville, Grand-Bassam et dans toutes les villes ou tous les villages où sont tombés les martyrs de la lutte anticoloniale, des monuments  devraient être construits en leur mémoire.

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Le Sénateur Victor Biaka Boda, militant anticolonialiste RDA assassiné en 1950. Sans doute assassiné par les forces françaises.

Les anciens monuments et leur place doivent être restaurés. Exemple : Le monument situé à la place de la république à Abidjan. La place elle-même doit être restaurée.

La mémoire doit prendre également en compte les périodes antérieures à celle de l’après guerre. Il faut remonter à la première résistance contre la « pénétration coloniale ».

A cet effet, le gouvernement pourrait réclamer les restes mortels de grands résistants déportés et envisager des funérailles nationales.

Les monuments peuvent également incarner l’idée d’indépendance puisée dans nos mythes, légendes et notre histoire.

Une stratégie de communication sera élaborée pour faire connaître aux jeunes générations, les péripéties de l’histoire de la lutte pour l’indépendance à travers les séries télévisées, les émissions scientifiques, les conférences et débats, les expositions, les publications, les arts populaires comme le théâtre, la littérature, les spectacles, les bandes dessinées  etc. Les lieux où se sont déroulés les évènements de 1949 et 1950 comme Treichville, Grand-Bassam, Dimbokro etc. devront faire l’objet de nombreuses animations.

Le monument à la mémoire du grand résistant, le Roi de Bonoua, Kadjo Amangoua. Un exemple à suivre par toutes les villes de Côte d’Ivoire.

2 - CINQUANTENAIRE DE L’INDEPENDANCE : POUR UNE CONSECRATION DES PEUPLES ET CULTURES DE                      CÔTE D’IVOIRE

Yao N’Guetta

Présentation du texte :
L’auteur démonte avec méthode, le mécanisme de dévitalisation et de dégénération des peuples et cultures d’Afrique pris au piège dans le jeu des rivalités impérialistes de l’orient  islamique et de l’occident judéo-chrétien. La période des  indépendances à été paradoxalement un moment d’intensification du processus d’assimilation culturelle et religieux sous le couvert hypocrite du modernisme. Il fait l’Etat des lieux exhaustif de la situation socioculturelle de la Côte d’Ivoire avant de suggérer les nouvelles perspectives dans lesquelles le mot indépendance aurait un sens et qui devraient permettre à l’ivoirien de retrouver son Centre perdu.

1) Exposé des motifs
Tombée successivement face aux impérialismes de l’Orient islamique et de l’Occident judéo-chrétien, qui ont bouleversé le cours de son destin, l’Afrique noire peine à se relever, prise, depuis lors, dans l’engrenage de rapports de forces préjudiciables  à ses intérêts fondamentaux. La proclamation des indépendances des Etats n’à point signifié, loin s’en faut, une possibilité de récupération et de régénération de leurs peuples et leurs cultures. Pire, la soumission violente et méthodique de ceux-ci aux critères des vainqueurs, a donné lieu à leur dévitalisation progressive et a une dépersonnalisation générale des Africains, désormais décentrés par rapport à eux-mêmes, et tendant vers une sorte de vacuité culturelle et existentielle.

Déjà, les populations islamisées ont perdu, pour la plupart, jusqu’à l’usage de la chose la plus élémentaire donnée à chaque communauté humaine en ce monde : l’appellation spécifique de Dieu. Bien de musulmans africains sont étonnés d’apprendre qu’Allah ne soit pas un mot de leur langue maternelle. Sans parler des prénoms (noms de saints, nous dit-on !), sans lesquels, semble-t-il, ils n’auraient point de noms propres !

Les populations christianisées, de toutes sectes confondues, à colonisation relativement plus récente, sont sur la même voie : de plus en plus de chrétiens africains n’ont plus de chansons, de lectures (pour les lettrés) et de pensées que religieuses.

Sous la tapageuse pression d’un prosélytisme tous azimuts mené de jour comme de nuit, des « non croyants » plutôt inconséquents se retrouvent, par contagion, embarqués dans le même mouvement.

Du fait de leur longue et profonde aliénation aux valeurs arabo-musulmanes, des musulmans ajoutent même à leurs prénoms arabes, des prénoms chrétiens, à travers lesquels ils croient consacrer leur pseudo modernité et leur rapport particulier à la civilisation. La mode est maintenant à la pêche aux noms hébreux, dits bibliques !

Il est posé chez l’ensemble, comme allant de soi, l’usage des prénoms liés à la colonisation et à l’aliénation culturelle qui, de l’exception qu’elle devrait être, est devenu pratiquement la norme : vous paraitriez bien excentrique et étrange, ou simplement dépassé, de ne point enfiler un chapelet de prénoms judéo-chrétiens ou arabo-musulmans avant ou après votre nom africain, perdu et tout malheureux à un bout ou à l’autre de la ligne ! en cas d’abréviation, on vous trouvera toujours bien in de préférer rendre muet et anonyme celui-ci, pour laisser sonner ceux-là, qui passent pour être la marque ronflante de notre évolution.

Ces prétendus « évolués », qui confondent modernisme et extraversion aliénante, en sont arrivé non seulement à mépriser ce qui leur est propre, mais en plus, dans bien des cas, à le tenir pour l’expression d’un primitivisme, voire pour une manifestation du Diable, avec lequel il croit devoir »couper tout lien », d’un coup de croix ou de croissant magique ! Leurs ancêtres sont déclarés polythéistes, ils ne connaitraient pas Dieu,  avant l’arrivée des blancs.

Eux-mêmes les bienheureux, particulièrement plus intelligents et raisonnables, auraient reçu, par le baptême, l’âme qui leur eu manqué pour être de vrais homme !

On a vu, par ailleurs comment le retour aux sources africaines de certaines générations de noirs américains rejetant les noms occidentaux(notamment anglais), qui les liaient à la tragédie de l’esclavage, s’est arrêté à l’Afrique islamisée : ainsi le plus grand boxeur de tous les temps, s’est-il débarrassé de Cassius Clay  pour chausser Mohamed Ali, prétendant y retrouver ses origines !

Dans un sens, certaines résistances à la pénétration coloniale occidentale et des valeurs judéo-chrétiennes, ont été le fait de portes étendards islamiques. Al Mamy Samory Touré ou El Hadj Omar et bien d’autres, étaient plutôt des défenseurs et propagateurs de valeurs arabo-musulmanes assimilées comme relevant de leur culture anthropologique et de leur identité profonde.

Les peuples d’Afrique et leurs espaces se retrouvaient être un objet de convoitise et de conquête, autant pour les nouveaux envahisseurs occidentaux que pour les continuateurs africains de l’expansionnisme islamique sur notre continent.

Aujourd’hui, bien de conflits à caractère strictement religieux, ou sociopolitique d’implication religieuses, apparaissent comme des avatars d’une lutte de positionnement hégémonique entre l’Occident judéo-chrétien et l’Orient islamique, au moment où s’apaisent, dans le monde d’après guerre froide, les affrontements d’ordre purement idéologique entre capitalisme/libéralisme et socialisme/communisme, qui ont secoué le XXème siècle.

Après avoir été -ou tout en continuant d’être- plus ou moins des inconditionnelles d’un bord idéologique ou de l’autre, il n’est pas étonnant que les élites mal inspirés conduisent leurs affrontements politiciens, en terme de chrétien contre musulman/musulmans contre chrétiens, et qu’elles fassent des clivages religieux, du reste, ethnicisés du fait de l’assimilation, leur fonds de commerce politique, dans la lutte pour le pouvoir.

C’est bien ainsi que certains leaders ont cru devoir exiger « une alternance ethnico religieuse en Côte d’Ivoire ». Cela s’entend : après des présidents chrétiens vive les musulmans à la tête du pays, dans cette République pourtant laïque de par sa Constitution, que les mauvais esprits veulent réduire à deux expression religieuses, et aussi fallacieusement voir divisée entre un Nord musulman et un Sud chrétien.

En dehors de ces deux modèles socioculturels et religieux autoproclamés comme les seuls porteurs de valeurs de civilisation, point de salut pour tout autre vision, notamment en Afrique, dirait’on.

Caractéristique des promoteurs et défenseurs impénitents de la civilisation de l »hégémonisme, le fort désir  d’empire et l’universalisme qu’ils développent du haut de leur prétention, porte l’écrasement et l’exclusion des valeurs culturelles des peuples dominés. Ils ont en horreur toute différence ‘que dis-je, la moindre nuance !) ; ils opèrent au quotidien, une sorte d’ethnocide socioculturel auquel participent, d’ailleurs, les nègres éternels, coresponsables de notre mort, par action consciente, par ignorance ou simple naïveté.

Cinquante ans après la proclamation de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, le 07 août 1960, le tableau de la situation socioculturelle dans notre pays, qui est, certes, loin d’être une exception en Afrique noire, n’est point reluisante ni rassurante !

Et pour cause, comment comprendre autrement :

- Que la connaissance profonde et exacte de l’histoire des peuples et cultures de Côte d’Ivoire, reste encore soumise à la sémiologie française ;

- Que la mémoire nationale soit supplantée par celle de l’ex-puissance coloniale, et dominée par ses héros coloniaux, dont les noms de tristes souvenirs, courent nos rues, boulevards et autre places publiques ;
- Que nous continuions encore d’être nommés par l’autre, oriental ou occidental, de garder sans rien y faire, les noms déformés du fait de transcriptions fantaisistes par les administrateurs coloniaux, donnés aux hommes, à des communautés et/ou localités ;

- Que soit absent de notre système éducatif, l’enseignement des langues, littératures et civilisations des peuples de Côte d’ivoire ;


- Qu’il n’existe toujours pas une véritable politique linguistique en faveur des langues nationales ; pour les tirer de la marginalité où elles sont encore maintenues, leur donner le statut de la place centrale qui doit leur revenir, et les inscrire pleinement dans la perspective de leur développement durable, tel que nous l’enseigne pourtant, l’approche des langues dominantes du monde, que certains d’entre nous croient sans doute, tombées tout droit d’un ciel à générosité sélective ;

- Qu’un Etat aussi pauvre que le nôtre, seulement heureux d’être inscrit aux PPTE, continue de payer sur son budget, ses nationaux pour enseigner et promouvoir les langues, littérature et civilisations d’autres pays,  par ailleurs plus nantis, alors que celles de ses propres peuples, se meurent dans le confinement et la négligence où elles sont tenues ;


- Que nous ne sachions encore comment retrouver notre esprit pas trop extroverti, comme envoûté par excès d’aliénation ?...
Au total, les cultures nationales –avec les peuples qui les portent- sont expulsées de l’espace public officiel et reléguées à la périphérie de notre propre société, gérée par des élites qui gagneraient elles-mêmes à être désaliénées. Tout au plus sont-elles tenues pour folklore… destiné à amuser la galerie.

Le processus général de dé civilisation et de dépersonnalisation des populations est entré véritablement dans sa vitesse de croisière : avec le temps et les moyens techniques actuels plus performants, graissés par l’argent roi des affamés, qui irrigue mille et un réseaux soutenu par des concepts et un langage hypocritement généreux et moins brutal. « Francophonie », « espace francophone », « Commonwealth », « World culture » et autre du même style, sonnent moins « empire » et « impérialisme » ! Que signifie « l’inculturation », en vogue notamment dans les milieux religieux, si ce n’est une des nouvelles trouvailles de l’assimilationnisme qui, de façon subtile, (en mordant et y soufflant en même temps), pour la saigner de la substance différentielle de nos peuples, pour continuer d’étendre et de renforcer son objet et son champ ?

Si l’on y prend garde, il achèvera bientôt de dérouler son puissant rouleau compresseur sur nos cultures déstructurées, dévitalisées et exsangues : avec nous-mêmes comme partie intégrante et moteur de son mouvement, auquel, malheureusement, nous contribuons, d’une façon ou d’une autre, avec toute notre énergie et notre génie mal orienté, contre nous- mêmes.

Comment nier, en effet, notre part de responsabilité dans ce qui nous arrive ? Une partie - si ce n’est la totalité- de la solution du problème réside dans le problème… L’enfer, dans le cas d’espèce, comme dans bien d’autres, ce n’est point seulement l’autre…

En tout état de cause, il est de la liberté comme de la dette ; elle n’est pas portable, elle est quérable.

Quand on est tombé ; on doit pouvoir se relever, pour continuer la marche. Nous le ferons par nous-mêmes, pour nous-mêmes et pour la postérité ; pour l’Humanité, qui ne doit point s’appauvrir de l’absence de nous et de nos motifs et nuances de couleurs de la mosaïque du beau tapis, qu’elle constitue, riche de tous les peuples et de toutes les cultures du monde entier.

Au cours des cinquante années écoulées, les cultures de la Côte d’Ivoire indépendante n’auront survécu qu’en s’appuyant particulièrement, sur leurs capacités intrinsèques de résistance, dans un environnement difficile, marqué par les puissantes pesanteurs coloniales ou globalisantes, ainsi que par l’inconséquence notoire et la complaisance voire la démission des élites intellectuelles et politiques.

La célébration du cinquantenaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire doit être donc, l’occasion pour les Ivoiriens de faire le point et d’ouvrir de nouvelles perspectives, dans lesquelles le mot indépendance aurait un sens.

Il conviendra de poser, à la suite d’une analyse diagnostic pertinente, les bases permanentes de la consécration et de la régénération des peuples et cultures, qu’il importera de nous donner les moyens d’inscrire résolument dans leur développement durable, tel que commande la pleine conscience des enjeux nationaux et universels de notre modernité.

2) Propositions de Kemet-Maat
Nos propositions se situent aux deux niveaux de l’analyse diagnostic et des perspectives.

         2.1) Analyse diagnostic

            2.1.1) La Côte d’Ivoire à débat
- A. Colloque scientifique

Sur le thème : « Analyse diagnostic de la situation générale des peuples et cultures de Côte d’Ivoire et perspectives »

-B. Conférences débats
Sur le même thème au plan sectoriel relativement à chaque aire linguistico culturelle ou « Pays »
      2.2) Perspectives ; Régénération et développement durable des peuples et                 cultures de Côte d’Ivoire

         2.2.1) Mise en place d’institutions de régénération et de développement durable

- A. Création d’un forum National des Peuples  et cultures de la Côte d’Ivoire, haut lieu de rencontres et d’échanges interculturels, instrument de rapprochement et de solidarité entre les communautés nationales,

- B. Création de groupes Artistiques Polyphoniques (GAP) au plan national et dans les Aires linguistico culturelles ;

- C. Construction d’une Maison d’Afrique pour les peuples et cultures ;

- D. Création d’une Académie des Langues Nationales de Côte d’Ivoire, avec des représentations locales, à travers des Commissariats aux langues de « pays ».

- E. Institution d’une Semaine Nationale des Peuples de Côte d’ivoire, autour de la période de la Fête Nationale, afin que celle-ci soit la fête des peuples.

      2.2.2) Réflexions prospectives

- A. Exposition de résultats de travaux d’intérêt culturel ç travers différents ateliers aux plans national et local

- B. Conférence débats

- C. Ateliers de sensibilisation et de formation sur les peuples, langues et cultures de Côte d’Ivoire, au plan national local.

    2.2.3) Organisation d’activités festives

- A. Organisation en 2010, de la 1ère édition du Festival National des Peuples, Langues et Cultures de Côte d’Ivoire.
A cette occasion, auront lieu :
- Expositions
- Foires
- Spectacles
- Jeux et sports spécifiques de la Côte d’Ivoire.


Le Popo-carnaval. Défilé mettant en scène le crime du travail forcé.
2.2.4) Proposition de révisions

- A. Révision des programmes scolaires visant la restauration de l’enseignement de l’histoire de la côte d’ivoire et de l’Afrique, et l’introduction des Langues, Littérature et civilisations de la Côte d’Ivoire et d’Afrique dans l’enseignement.

- B. Révision des noms des lieux géographiques, des personnes,

- C. « Rebaptisation » des monuments, rues et places publiques.








mardi 22 janvier 2013

INTOLERANCE RELIGIEUSE ET IDENTITE CULTURELLE


 
                                   INTOLERANCE RELIGIEUSE
ET IDENTITE CULTURELLE EN COTE D’IVOIRE

Yao N’Guetta,
TRAORE Adama
 
Les PPA, les Presses Per Ankh d’Abidjan, Décembre  2011
......
"Aujourd’hui ce n’est plus le blanc qui tient la torche, ce sont des Africains qui prenant la relève et mettent le feu aux objets sacrés de leurs pères et mères"

 
Résumé 
 
Dans ce texte daté du 16 mail 2009 et publier pour la première fois sur le Blog de l’Association kemetmaat, les auteurs alertent l’opinion sur la destruction des cultures africaines par les idiologies étrangères qui se déploient tranquillement à l’ombre du prosélytisme religieux. La diversité culturelle et religieuse est une richesse  pour  l’humanité  qu’il convient de préserver.

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« …C’est que le pire crime du colonialisme ne fut peut-être pas la falsification délibérée de notre histoire, falsification que Diop s’acharna à corriger , mais bien , ainsi que le suggère John Henrik, « la colonisation de l’image de Dieu »...Ce qui est suggéré ici , cependant , c’est que cette image a été plus pernicieuse, et continue d’être plus destructrice, que le mythe de notre anhistoricité et autres affabulations eurocentiques et racistes car ce qui est atteint ce n’est pas seulement notre intellect, mais bien notre âme » Ama mazama, Religion et Renaissance Africaine, Mambo Presses, 2010.


Les agressions contre les religions africaines et la culture africaine sont de plus en plus nombreuses et se font au grand jour, en toute tranquillité et en toute bonne conscience.

Dans leur prosélytisme tous azimuts, certains prêtres, pasteurs et imans ne ratent pas une occasion pour stigmatiser les croyances de ceux qui ne seraient d’aucune foi, dans cette société trop malade de son extraversion, sur laquelle  ils semblent avoir établi pour de bon, leur monopole de Dieu ! Ce Dieu dit « unique et universel », qui apparaît pourtant, rattaché à une origine ethnique et culturelle particulière.

Dans le journal  Le Jour Plus du 8 mai 2009, un chef religieux a laissé entendre que les adeptes des religions africaines, contre lesquels il mènerait sa « légitime » djihad ou croisade, ne connaissaient pas Dieu.

Ce chef religieux n’est absolument pas le seul. Il ne se passe pas un jour où les journaux, confessionnels ou pas, ne racontent pas les exploits de ces « croisés » des temps modernes, qui renvoient plutôt aux intolérances religieuses du Moyen Age européen, ou des colonisations arabe et européenne dans le monde, dans leur processus de « décivilisation » des peuples conquis.
 
Sur les lieux de culte ou sur la place publique, on stigmatise à tout va les pratiques, et on invective les adeptes de toutes croyances jugées hors des  moules des religions aujourd’hui « dominantes », et leurs pensées uniques, dans lesquels  nos concitoyens doivent finir par enfermer leur esprit contre eux-mêmes.
 
Est-il besoin de rappeler que les premiers hommes et femmes qui ont découvert Dieu sont bien nos ancêtres ; les négro-africains. Ce sont les Kemit de la grande civilisation  noire de l’Egypte ancienne, qui ont naturellement écrit les premiers textes sacrés de l’histoire, vers 2600 ans avant la naissance de Jésus Christ : longtemps, très longtemps avant l’apparition des religions judéo-chrétiennes et musulmanes. Nombre de concepts de ces religions dites révélées, ont leurs origines dans les cosmogonies africaines.Péjorativement désignés par les discours colonialistes comme fondamentalement « animistes et polythéistes », les Africains seraient des « mécréants « perdus dans les ténèbres et sans aucune espérance! ». S’ils ne sont pas des incarnations ou des suppôts du diable,  ils sont déclarés indignes de l’humanité. Comme au bon vieux temps de la colonisation pure et dure, prétendant apporter, par la croix ou par le croissant, épée, cimeterre ou fusil au poing, l’âme précieuse, qui manquerait aux autres peuples conquis et colonisés d’ici et d’ailleurs pour être des hommes, ou accéder à la civilisation. Les païens sont comme des animaux, proclamait sans ambages, il n’ y a pas longtemps encore, un pasteur, au cours d’un mariage dans un quartier d’Abidjan, qui accueillait, outre la masse  captive de ses ouailles aux anges, bien d’autres personnes ayant tout simplement le droit de ne pas croire en ses mensonges enflammés. Insultées en plein midi d’un jour d’allégresse partagée et de communion fraternelle, ces personnes  on dû avaler une couleuvre de plus !  Sans doute par éducation et par souci de ne pas perturber le déroulement de la cérémonie. Dans tous les cas, la sagesse recommande bien, en la circonstance,  que l’on ne réponde pas au coup de pied de l’âne… !

Et pourtant, vous n’entendrez pas un seul adorateur ou danseur de « fétiche », invoquer Dieu, le Ciel et la Terre,  les génies et l’esprit de ses ancêtres, en insultant les autres qui ne partageraient point ses convictions. L’invective n’a jamais été un argument !

Dans leur manichéisme atavique, les adeptes des religions dites révélées et universelles manquent-ils d’argument pour faire valoir leur théologie, là où, les autres se valent par eux-mêmes, sans  renvoyer, par défaut, à aucun faire valoir ou repoussoir. Ne démontrent-ils pas par là les limites de leurs discours ?

De la surenchère verbale à la violence physique, il n’y a qu’un pas, qui est allègrement franchi, en cette République de Côte D’Ivoire, que notre Constitution déclare pourtant laïque, et dans laquelle le Procureur oublie souvent de lever le petit doigt pour protéger les principes républicains de la démocratie et de l’Etat de droit, sur lesquels la nation cherche avec toutes les difficultés du monde, à s’asseoir !

Emportés par le fanatisme et par cette illusion ou ce sentiment d’en avoir la  raison et le droit, qui subjugue les esprits illuminés, les prosélytes de tout acabit se lancent dans leur djihad ou leurs croisades, contre toutes fois et pratiques socio culturelles, dont ils ne peuvent souffrir la différence.

L’alibi de la sorcellerie criminelle ou du fétichisme maléfique, est bien souvent servi, aux fins de justifier tous ces débordements relevant plutôt de stratégies d’occupation de terrain, repérables dans cette espèce d’élan hégémonique qui anime et pousse les religions dites universelles, bien assises dans notre société.

Loin de nous toute volonté de défendre les pratiques délinquantes comme la sorcellerie dont on connaît et reconnaît les ravages parmi les populations, en ville comme à la campagne. Dans notre société, empoisonnements, assassinats mystiques et envoûtements n’épargnent personne ni aucune classe sociale, créant une sorte de psychose exploitée à souhait, par plus d’un charlatan, qui y trouve le fonds de commerce le plus juteux.

Nous reconnaissons donc les méfaits liés aux pratiques négatives ; ils constituent des pesanteurs qui nuisent à l’image de nos cultures, contribuent à leur rejet par des populations aux abois ou ayant perdu de leurs repères, et proies faciles des prosélytes et autres détracteurs conscients ou inconscients bien servis par les exactions de quelques délinquants.

Cependant, avons-nous la même réaction négative vis-à-vis des cultures et religions qui nous dominent, alors que leurs travers sont aussi nombreux ?

Le bien et le mal cohabitent en l’homme, indépendamment de ses croyances, et la criminalité mystique existe partout, comme autant d’autres perversions.

Qui a oublié les déboires de Rashman Rushdy à propos des versets sataniques ? Que dit-on de la sharia ? Que dira-t-on de l’envoûtement de fidèles de cultes où les nombreuses quêtes ressemblant fort bien à des extorsions de fonds alors que comme on le sait la spiritualité ne fait pas bon ménage avec l’argent.

Dans le quotidien, abus de confiance qui ne dit pas son nom, la quête est devenue un véritable racket, sur des personnes à l’esprit souvent embué par leur foi démesurée, et à la merci de personnages véreux, dont les comportements devraient dégoûter plus d’un citoyen sinon interpeller tous ceux qui prétendent tant se préoccuper du  salut de leur semblable, ou mènent des djihad ou croisades, pour « assainir » mystiquement ou moralement la société. 

Dans le cas d’espèce, on préfère, au contraire, fermer les yeux sur ces travers, ou plutôt les assimiler, les tenant pour preuve de notre modernité, ou pour  de nouveaux critères de performance, dans la recherche des voies de la richesse, du pouvoir et de la puissance. Que dira t –on de la condition réservée aux femmes dans des grandes religions où ces dernières sont interdites des fonctions de prêtes et d’imans.

D’autre part, autant il faut probablement des décisions courageuses de la part des pouvoirs publics, pour prendre en compte ces phénomènes délinquants  dans la gestion globale de la question de la sécurité des citoyens, autant nous devons condamner le laxisme ou l’apathie complice dont ils manifestent vis-à-vis des débordements du prosélytisme débridé des  croisés de notre temps, aussi dangereux.

Les faits sont comme des symptômes de l’histoire. Et, malheureusement, nous en sommes à une phase de notre histoire où, ayant brisé les principales résistances et mis en place tous les instruments idéologiques, institutionnels et techniques de son système de domination, le colonisateur, européen  ou arabe,  peut bien se croiser les bras, pour voir comment, sous ses yeux, le processus qu’il a amorcé des siècles avant, se déroule,  pour être parachevé avec les colonisés eux-mêmes devenus les acteurs plus engagés et efficaces de leur propre colonisation, désormais à sa vitesse de croisière.

Aujourd’hui ce n’est plus le blanc qui tient la torche, ce sont des Africains qui prenant la relève et mettent le feu aux objets sacrés de leurs pères et mères.

Les numéros du « Jour Plus » du 5 et 8 mai 2009 ne rapportent-t-il pas qu’un chef religieux fait brûler des « fétiches » sur les places publiques dans des quartiers d’Abidjan ? Ces scènes  réveillent en nous, le souvenir des sombres époques des expansionnismes religieux de l’Islam et du Christianisme en Afrique ou en Amérique. La religion a toujours été et reste encore, un des moteurs des conquêtes coloniales.


Extrait de la Bulle du Pape Nicolas V, 8 janvier 1454 qui évoque les sombres époques de l’expansionnisme chrétien en Afrique.
"Nous avions jadis, par de précédentes lettres, concédé au Roi Alphonse, entre autres choses, la faculté pleine et entière d’attaquer, de conquérir, de vaincre, de réduire et de soumettre tous les sarrasins (c-a-d les Nègres), païens et autres ennemis du Christ où qu’ils soient, avec leurs royaumes, duchés, principautés, domaines, propriétés, meubles et immeubles, tous les biens par eux détenus et possédés, de réduire leurs personnes en servitude perpétuelle (...) de s’attribuer et faire servir à usage et utilité ces dits royaumes, duchés, contrés, principautés, propriétés, possessions et biens de ces infidèles sarrasins (nègres) et païens (...)
Beaucoup de Guinéens et d’autres Noirs qui avaient été capturés, certains aussi échangés contre des marchandises non prohibées ou achetées sous quelque autre contrat de vente régulier, furent envoyés dans les dits Royaumes "

Le paradigme hérité de l’historiographie de Hegel qui exclu l’Afrique de l’histoire et les dogmes anthropologiques de Gobineau qui refusent au nègre tout rôle important dans l’évolution de l’humanité à cause de la prétendue infériorité de sa « race » sont toujours en œuvre dans le monde occidentale mais le fait nouveau c’est que ce paradigme semble avoir gagner aujourd’hui la pensée moderne africaine sans doute par le biais de l’école et de la propagande.

On fait donc le constat que de nombreux ivoiriens, ont fini par intégrer ces préjugés et ces idées reçues sur les africains. On aboutit à une situation insolite c'est-à-dire une sorte de  racisme contre soi même.

Dans le propos qui précède, nous avons voulu attirer l’attention des uns et des autres sur les dérives du prosélytisme religieux et notamment dans ses conséquences néfastes pour la paix sociale.

Mais mieux encore, nous avons voulu à travers l’évocation de ces violences, alerter l’opinion sur la gravité de la situation culturelle du pays et sur les enjeux qu’elle implique. Ce dont il est fondamentalement question ici c’est la destruction des cultures africaines par des idiologies étrangères qui se déploient tranquillement à l’ombre des religions sous prétexte de rechercher le salut des peuples en combattant la sorcellerie et les pratiques délinquantes que nous décrions tous.

La diversité religieuse comme la diversité culturelle est un bien pour l’humanité qu’il convient de préserver. Et nous n’avons pas le droit sous quelque prétexte que ce soit de laisser saborder nos cultures qui ont pleinement leur place dans le monde.













CHEIKH ANTA DIOP PARLE DU PROBLEME MENTAL DES NOIRS


AMA MAZAMA


LE ROLE DES LANGUES NATIONALES DANS LA RENAISSANCE AFRICAINE



FASCICULE 2

IL EST IMPOSSIBLE DE CHANTER SA LIBERTE DANS LA MA LANGUE D’AUTRUI

LE ROLE DES LANGUES NATIONALES DANS LA RENAISSANCE AFRICAINE : LE CAS DE LA COTE D’IVOIRE

Les PPA, les Presses Per Ankh d’Abidjan, Décembre 2011



DISCOURS INTRODUCTIF DE TRAORE A.  JEAN JACQUES
CONFERENCE DU PROFESSEUR KOUADIO NGUESSAN JEREMIE
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Photo de couverture

Le grand savant africain Frédéric Bruly Bouabré devant son célèbre «  alphabet de l’Afrique de l’Ouest » est également auteur d’une encyclopédie des "Connaissances du monde". Dans les années 1950, Frédéric Bruly Bouabré, originaire de Lôkhada (traduit par Côte d’Ivoire par les français) décide d'inventer une écriture à partir d’une langue africaine. Pour créer son alphabet, il extrait de la langue bété 400 mots monosyllabiques et les représente sous forme de pictogrammes.


TRAORE Adama J– J,  Président de l’Association Kemetmaat
Présentation : Six mois après sa création, l’association culturelle Kemet Maat organise une conférence – débat  dans l’enceinte du GRTO (groupe de recherche sur la tradition orale) à Cocody sur le  thème  « Le rôle des langues nationales dans la renaissance Africaine, le cas de la Côte d’Ivoire ». Le conférencier est le Professeur Jérémie Kouadio Nguessan de l’Université de Cocody. Il s’agit de la première « sortie publique » de l’Association mais également de la première manifestation commémorative du cinquantenaire de  l’indépendance organisée en Lôkhoda (traduit par Côte d’Ivoire par les français). Devant une centaine d’invités ; enseignants, chercheurs, hommes et femmes de culture, le président de l’association, Jean – Jacques TRAORE prononce l’allocution d’ouverture. Il y rappelle les buts de l’association, le sens de sa dénomination, les raisons de la conférence et interpelle les autorités sur la place que devrait occuper nos langues nationales dans la vie sociale et en particulier dans l’enseignement.

L’éditeur



Mesdames, Messieurs les Ministres,
Messieurs le représentant du président de l’Assemblée Nationale ; Monsieur le député Diomandé Maméri,
Monsieur de Député de Cocody, Jacques Andoh
Mesdames et Messieurs, Les responsables de Associations,
Mesdames et Messieurs,

Au nom de l’Association KEMETMAAT, je voudrais vous remercier d’avoir répondu en grand nombre, et en qualité, à notre invitation, pour prendre part à cette conférence inaugurale en prélude au cinquantenaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire.

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais avant tout propos, remercier le Professeur Zadi Zaourou, pour avoir accepté de nous faire l’honneur de présider cette conférence.

En portant notre choix sur votre personne, Professeur, nous avons voulu rendre hommage à l’un des plus grands intellectuels engagés de la Côte d’Ivoire indépendante.

Vous êtes en effet, de ceux qui n’ont jamais cessé de se battre pour l’affirmation de la côte d’Ivoire en tant que nation souveraine.

Professeur Zadi Zaourou, nous sommes reconnaissants de ce travail accompli et vous remercions encore de présider cette manifestation.
Mesdames et Messieurs, permettez-moi de présenter en deux mots, l’Association Kemet Maat, qui vous remercie infiniment d’être venus échanger avec elle, autour de préoccupations que nous croyons particulièrement importantes, en cette phase particulière de notre histoire nationale.
La dénomination Kemetmaat est composé de deux mots : KEMET et MAAT. Kemet est le nom par lequel, les KAMIT désignaient leur pays. Dans la langue des Kamit, Kemet signifiait « la civilisation noire », ou le « pays des Noirs ».
Les mots Egypte et Egyptien, sont des noms utilisés par les Grecs, en lieu et place, respectivement de kemet et kamit.MAAT est la déesse Kamit de la Vérité et de la Justice, représentée par une femme portant sur la tête, une plume d’autruche. Principe de toute chose, elle incarne l’équilibre cosmique, l’ordre universel. Toute nation doit être gouvernée selon Maat, comme tout homme doit agir selon maat.
La déesse Maat ; incarnation de la justice, de l'équité et de la vérité, elle est la norme qui régit l'ordre cosmique voulu par le démiurge lors de la création du monde. Son nom signifie précisément "justice ", "équité " et "vérité ". Maât est le principe qui équilibre le monde et qui permet aux dieux et aux hommes d'exister.

A travers l’appellation « Kemet Maat », nous marquons, d’une part – avec le mot Kemet-, notre volonté de redevenir notre propre centre en nous nommant nous-mêmes, et en gardant le lien avec nos ancêtres, et d’autre part- avec Maat-, en assumant notre héritage philosophique et spirituel.

Comme structure, Kemetmaat est une organisation à caractère culturel, régie par la loi de 1960, relative aux associations. Son but principal est de contribuer à la Renaissance Africaine, à travers notamment, la connaissance de notre véritable histoire et la valorisation des langues et des  cultures nationales, d’une façon générale.

Pour atteindre ce but, Kemetmaat s’appuie, d’une part, sur l’ensemble des instruments juridiques disponibles au niveau de l’ONU, de l’Unesco, de l’UA et de la République de Côte d’Ivoire.

La Charte de la Renaissance Culturelle Africaine de l’UA, signée le 24 janvier 2006 à Khartoum, au Soudan, demeure pour nous, incontestablement, l’instrument le plus important, relativement aux  questions précises de l’histoire et des langues nationales.

Pour Kemetmaat, la nécessité de connaître notre histoire et de développer nos langues nationales ne se discute plus, depuis la publication de « Nations Nègres et Culture », en 1954, par Cheick Anta Diop.
Quand un peuple a voulu en dominer un autre, ce qu’il a toujours fait, c’est de chercher à s’emparer de  l’esprit de celui-ci, ou à s’imposer à lui  en son esprit. La domination culturelle est la base de toute domination.

L’action de Kemet Maat vise à contribuer à une décolonisation de notre esprit et de notre génie qui, ainsi affranchis, pourraient mieux s’investir dans le développement  de nos cultures et nos langues.

Notre souci est de faire en sorte que, dans la pratique, les populations de notre pays, se réapproprient leurs langues et leurs cultures, sans être obligé de passer par une expression étrangère, pour vivre leur modernité.

Mesdames et Messieurs,
Au-delà de toutes les actions quotidiennes que conduit KemetMaat, le Cinquantenaire de l’indépendance, dont nous saluons l’initiative de l’organisation annoncée par le gouvernement,  nous offre l’occasion de faire l’état des lieux, 50 ans après l’accession de notre pays à la souveraineté. Où en sommes-nous ? Notre pays et son  peuple sont ils plus libres qu’avant ?  La Côte d’Ivoire dispose elle de moyen légitime de l’affirmation de sa souveraineté ? Qu’est-ce  afin que l’indépendance nationale ?
Pour nous, l’indépendance est certes politique et institutionnelle mais elle est aussi et surtout idéologique et culturel, économique et monétaire, énergétique et militaire.

Notre organisation entend s’interroger plus particulièrement sur la question de l’indépendance culturelle et idéologique qui est naturellement son domaine de prédilection, afin de mieux ouvrir les perspectives nouvelles pour notre renaissance. Pour répondre à toutes ces questions, Kemetmaat met en place un programme d’une année, qui s’étendra du 7 août 2009 au 7 août 2010, avec une série de conférences-débats, de colloques, d’ateliers, de caravanes et d’autres actions.
C’est donc en prélude à ce programme  que nous organisons, aujourd’hui, la présente conférence inaugurale, dont la pertinence du thème n’est plus à démontrer : « Le rôle des langues nationales dans la Renaissance africaine, le cas de la Côte D’Ivoire ».
Et c’est tout naturellement, que nous avons demandé au Professeur KOUADIO NGUESSAN Jérémie, dont nous laissons le soin au modérateur de présenter le brillant cursus de linguiste émérite, connu et reconnu de tous, de nous ouvrir le débat sur cette question fondamentale, un de ces nombreux défis existentiels, qui restent encore  hélas, à relever dans notre pays.

Notre objectif, en organisant cette conférence,  est de sensibiliser les autorités et les populations sur la place que devraient occuper nos langues  nationales dans notre société. Nous osons croire que la facilité avec laquelle nous renonçons  souvent à nos cultures et nos langues, n’est due qu’à notre ignorance des enjeux qui les impliquent, et  non à une option prise en bonne connaissance de cause. L’espoir reste toujours permis, à condition de nous donner les moyens de mobiliser autour de la même cause, toutes nos intelligences et nos volontés.

Dans cette perspective, KemetMaat compte, certes, sur l’engagement de ses membres, mais également, et d’une façon générale, sur toute personne physique ou morale soucieuse du devenir prospère des cultures et des langues de notre pays.

Nous nous félicitons de savoir que nous ne sommes pas seuls sur ce chemin, et remercions ceux de nos compatriotes qui sont sur la même voie, pour mener un de ces combats qui vaillent.

Mesdames et Messieurs,
Encore une fois, merci d’être présents. Merci de contribuer à rehausser la qualité des échanges.

Je vous remercie de votre attention !


Pr. KOUADIO N’GUESSAN Jérémie 
Professeur titulaire de lettre, Doyen de l’UFR Langues, Littératures et Civilisations à l’Université de Cocody-Abidjan. kouadinj@yahoo.fr

Présentation

L’auteur  montre que l’Afrique à besoin de la renaissance pour ce se relever. Cette renaissance ne ressemble pas à la renaissance européenne en ce qu’elle n’est pas continuité mais rupture, « révolution ». La langue constitue un des  instruments de libération de l’esprit. Au delà de l’aspect communicationnel, la langue est pour un peuple, la vie même de ce peuple, avec son passé, sa mémoire, bref sa culture. L’auteur propose trois tâches à réaliser pour faire de la langue un vecteur de la renaissance africaine ; la proclamation de l’origine commune des langues ivoiriennes, L’institution d’un jour ou d’une semaine  des langues et des peuples, la vulgarisation et la prise en charge collective des travaux scientifiques.

Le contexte

Avant de commencer, il ne paraît pas inutile de situer le contexte général où nous nous trouvons au moment  où nous nous posons la question du rôle des langues nationales dans la renaissance africaine. Voilà ce contexte présenté en quelques mots : nous sommes en 2009, c’est-à-dire au 21è siècle. Depuis au moins le milieu du 18 è siècle, même avant, toutes les connaissances acquises par l’intermédiaire de l’institution qui s’appelle « école » se font à travers quelques langues du monde que sont l’anglais, le français, l’arabe, l’espagnol, le mandarin, le japonais, le russe et quelques autres ; en gros une cinquantaine de langues sur les 6000 langues que compte le monde  (vous voyez que je n’ai cité aucune langue africaine); nous sommes en plein dans la mondialisation à propos de laquelle on utilise très souvent l’expression de « village planétaire », village dans lequel cependant  une partie du monde continue de dominer culturellement et économiquement l’autre partie, même si par la force des choses, certains peuples, naguère dominés, le sont moins aujourd’hui et deviennent eux aussi dominateurs. Pour l’Afrique, rien ne semble avoir changé, surtout pour l’Afrique Subsaharienne et les choses semblent plutôt aller de mal en pis. En effet la plupart des pays de cette partie de l’Afrique, pour ne pas dire la quasi totalité, sont affublés de qualificatifs qui sont autant de stigmates ; selon le temps qui fait on les a appelés pays sous-développés (PSD), puis pays en voie de développement (PVD), ensuite pays les moins avancés (PMA). A cette série de vocables-masques on vient d’ajouter un dernier avatar, PPTE (pays pauvres très endettés), sigle d’autant plus difficile à prononcer qu’il ne sent pas bon ! Mais il va falloir nous y habituer !
Voilà le contexte dans lequel a lieu notre causerie de cet après-midi.

Je voudrais à présent vous présenter une sorte de fil conducteur de ma réflexion, pour ne pas utiliser un grand mot comme « plan » :  après avoir dit ce que je pense du mot « renaissance », je tenterai de répondre aux trois questions suivantes :
-         Pourquoi l’Afrique a-t-elle un besoin urgent de renaissance ?
-         Pourquoi les langues nationales sont-elles des vecteurs primordiaux de cette renaissance
-         Enfin comment, pour ce qui est de notre pays, faire pour que nos langues redeviennent les instruments privilégiés de cette renaissance ?

Commençons par quelques commentaires sur le mot « renaissance ». D’abord est-ce que nous l’écrivons avec un R majuscule ou le contraire ? Si nous choisissons de l’écrire avec une majuscule, ce serait un clin d’œil à une période historique, qui n’a pas été nôtre, mais dont nous avons été d’abord des victimes collatérales avant d’en être les principales victimes (traire négrière et colonisation). Nous ferions alors allusion à ce vaste mouvement de renouvellement des idées qui naquit en Europe et a duré du XVIe à la fin du XIVe : période des « grandes découvertes »: ce sont les débuts du capitalisme, du nouvel esprit scientifique, de la réforme religieuse, toutes choses qui vont bouleverser l’Europe et le monde. Mais ce n’est pas de cette renaissance qu’il s’agit même si l’Afrique peut s’en inspirer, parce que la Renaissance italienne, d’abord, et française, ensuite, a été certes un puissant mouvement de renouvellement des idées et des arts, mais elle s’inscrivait dans une continuité de l’évolution naturelle de idées et des arts en Europe depuis l’Antiquité classique. Alors que chez nous, aujourd’hui, renaissance doit rimer avec révolution avec ce que cela suppose de rupture et de douloureux, mais salutaires, mis en cause. Nous écrirons donc le mot avec un r minuscule pour lui conserver ce côté dynamique et volontariste d’un processus à enclencher. Renaissance, c’est donc le substantif  issu de renaître et qui signifie régénération, le fait de revivre, de ne plus être en danger de mort. Renaître, c’est revenir à un état après avoir connu une situation, une condition comparable à la mort. Alors pourquoi l’Afrique doit-elle renaître ?

Je fais remarquer qu’il ne s’agit nullement d’une question nouvelle ; elle a été mille fois débattue par des intellectuels africains et d’autres et continue de l’être. Mais comme on dit chez nous , quand on a pas fini de marcher, on arrête pas de balancer les bras. Sans m’y étendre, je vais me contenter de rappeler quelques repères historiques et idéologiques pour éclairer la situation présente.  Dans le violent choc culturel et physique qu’a constitué la rencontre de l’Occident avec l’Afrique, cette dernière (l’Afrique noire surtout) a été tout de suite considérée comme un désert linguistique et culturel, sorte de condamnation originelle et préalable proférée par l’autre comme on jette un sort. Tout est parti de là et nous n’en avons pas fini avec les conséquences. Pour faire bref, La Culture et La Civilisation étaient l’apanage de l’Occident, l’Afrique, elle, devait accepter cette civilisation et cette culture et ce n’était pas à prendre ou à laisser ! La suite de ce marché inégal et cruel, on la connaît : par l’école, l’Europe impose ses langues, son mode de vie, son modèle de société. Dans la foulée, elle exporte massivement sa technologie dont la supériorité est incontestable. Ainsi sur les plans politique, social, culturel et psychologique, les langues de l’Europe, son modèle de civilisation deviennent les références pour les peuples africains. Dès lors, et depuis au moins trois siècles, les Africains sont ballotés entre un réel désir de fidélité aux cultures originelles et une non moins ardente envie d’épouser absolument la nouvelle culture imposée. Comme j’ai dit que je ne serai pas long sur ce chapitre, je m’en vais citer un passage du fameux discours que Nicolas Sarkozy a prononcé le 26 juillet 2007 à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar à destination de la jeunesse africaine. (bref commentaire) : « Les Européens sont venus en Afrique en conquérants. Ils ont pris la terre de vos ancêtres. Ils ont banni les dieux, les langues, les croyances, les coutumes de vos pères. Ils ont dit à vos pères ce qu’ils devaient penser, ce qu’ils devaient croire, ce qu’ils devaient faire. Ils ont coupé vos pères de leur passé, ils leur ont arraché leur âme et leurs racines. […]. Ils n’ont pas vu la profondeur et la richesse de l’âme africaine. Ils ont cru qu’ils étaient supérieurs […].
A partir de cette rencontre si bien résumée par le président français, digne héritier de la France impériale et colonialiste, l’Afrique perdit l’initiative de sa propre histoire, la maîtrise de son destin. De là est né un faisceau de complexes qui ont assailli et continuent d’assaillir l’ Africain. Citons en quelques uns :

-         Le complexe de l’histoire, consécutif à la confiscation de son histoire par les autres ;
-         Le complexe de la connaissance, consécutif à la confiscation de la connaissance par les autres ;
-         Le complexe de l’intelligence consécutif à la confiscation de l’intelligence par les mêmes autres ;
-         Le complexe de l’origine ;
-         Le complexe de la civilisation et de la culture : il s’agit de faire croire à l’Africain qu’il n’a généré aucune civilisation ou culture marquante ;
-         Le complexe de la religion : il s’agit de faire croire aux Africains que leurs religions ou traditions sont inférieures et néfastes et les amener à adopter les religions des dominants ;
-         Le complexe de la couleur : il s’agit de faire croire à l’Africain que la couleur « noire » de sa peau est la couleur de tous les malheurs ;
-         Le complexe de la langue : il s’agit de conduire l’Africain à accepter la thèse selon laquelle les langues africaines manifestent une grande faiblesse de l’esprit et sont inaptes à l’abstraction et inadaptées à l’enseignement.

Pour ce qui est du dernier « complexe », le complexe linguistique, voici ce que le linguiste Pierre Alexandre écrit à propos de la politique coloniale française en matière d’éducation et d’administration en Afrique (Pierre Alexandre (1967) : Langues et Langage en Afrique noire, Payot, Paris) : « Cette politique est facile à décrire : c’est celle de François 1er, de Richelieu et de Jules Ferry. Une seule langue est enseignée dans les écoles, admise dans les tribunaux, utilisée dans l’administration : le français tel que défini par les avis de l’Académie et les décrets du ministre de l’Instruction. Toutes les autres langues ne sont que folklore, tutu, panpan, obscurantisme, biniou et bourrée ; et ferments de désintégration de la République ».

Tout cela accumulé a constitué et constitue encore une lourde menace pour l’Afrique. Reprendre donc l’initiative de l’histoire par la réappropriation de la matière confisquée et la libération de l’Esprit emmailloté et incarcéré, tel est l’impérieux devoir qui incombe aux peuples africains et la tâche qu’ils doivent conduire afin d’accéder au statut de citoyen à part entière d’un monde en globalisation. En somme l’Afrique doit retrouver ce que Karl Marx, Lénine et Engels (dans la « Phénoménologie de l’Esprit ») ont appelé « la conscience de Soi en Soi pour Soi ». Et parmi les instruments de libération de l’esprit, se trouve en bonne place la langue. Ceci nous amène naturellement à notre deuxième question : pourquoi les langues nationales sont-elles des vecteurs primordiaux de cette renaissance ?
La réponse à cette question réside dans la réponse à cette autre : Qu’est-ce que c’est que la langue ?
La langue, pour parler comme les linguistes, « est un instrument de communication, un système de signes vocaux spécifiques aux membres d’une communauté ». Mais la langue est bien plus et ne peut pas être réduite à un code mécanique et désincarné ; elle est, pour un peuple, une ethnie, la vie même de ce peuple, de cette ethnie, avec son passé, ses sensibilités, ses pratiques particulières, sa mémoire collective, en un mot, sa culture. On ajoute même, et avec raison, que le langage affecte la cognition de façon déterminante. Ainsi, le cadre de la perception du monde de ce peuple, ses activités intellectuelles pour lire ce monde sont largement tributaires des structures de sa langue. Voilà pourquoi l’on entend souvent cette phrase en forme de sentence : « Perdre sa langue, pour un peuple, est une terrible aliénation »
Mais l’Afrique noire dans son ensemble, depuis sa rencontre brutale avec l’Occident, rencontre  dont j’ai parlé plus haut, vit sous « embargo linguistique ». Elle est ainsi privée pour l’essentiel de la jouissance pleine et entière de cet important patrimoine qui est relégué au rang de folklore. Dans ce domaine, comme dans d’autres, l’Afrique et les Africains semblent avoir perdu l’initiative de leur propre destin. 
Puisque aujourd’hui il est partout question de la renaissance de l’Afrique, nous voulons, à partir de l’exemple prototypique de la Côte d’Ivoire, montrer le rôle essentiel que pourraient jouer les langues nationale dans ce processus de renaissance. Nous répondrons principalement à la question : comment faire ? 

Mais avant, il nous faut déboulonner un certain nombre de vieux canards qui ont la vie dure et qui sont autant d’erreurs que de préjugés à l’encontre des langues africaines.

Premier canard à déboulonner : les langues africaines n’ont pas de grammaires ! De graves imbéciles parfois se considérant comme savants continuent à affirmer que ces « dialectes » n’ont pas de grammaire ! Vieille ignorance qui fait procéder les règles de fonctionnement d’une langue des règles de grammaire explicitées et écrites. Puisque les langues africaines ne sont pas écrites, donc elles n’ont pas de grammaire ! On peut se demander comment faisons-nous pour communiquer entre nous ! C’est à croire qu’à la place de têtes, nous avons de puissants ordinateurs, puisque aussi bien nous sommes capables de donner un sens à des mots et à des énoncés émis dans un désordre indescriptible ! Balivernes que tout cela!

Deuxième canard : en Afrique, il n’y a pas de langues, il n’y a que des dialectes : Affirmer cela c’est parler dans le vide, c’est proférer une hérésie et faire preuve d’inculture:  un dialecte est une variante régionale d’une langue, c’est tout. Si nous prenons l’exemple de la langue bété, les différents parlers de Gagnoa, de Soubré, ou de Daloa en sont des dialectes, c’est-à-dire des variantes régionales de la langue bété.

Troisième canard : les langues africaines sont pauvres et ne sont pas aptes à l’expression des idées scientifiques. Voilà un autre cliché qui a la vie dure et que même les Africains qui parlent pourtant ces langues ont intériorisé ! Les langues évoluent, mais n’évoluent pas seules et dans beaucoup de cas, l’homme a aidé la langue à évoluer. L’enrichissement de nos langues est donc nécessaire comme cela se passe pour toutes les langues du monde. Une langue, nous le savons, ne peut jamais exprimer, sans modification expresse, que le contexte dans lequel elle est utilisée. Quand ce contexte change, la langue s’adapte. Aujourd’hui par exemple, de nouveaux vocabulaires peuplent le français : informatique, robotique, télématique, etc., tous mots créés pour répondre aux nouveaux besoins pour le français de nommer de nouveaux concepts. Et cela est possible dans nos langues (cf. Annexe1).

Quatrième canard : les langues africaines n’ont pas de termes abstraits ou génériques. Or les mots ou les expressions de ce type abondent dans nos langues. Ce qui manque en général aux langues africaines, ce n’est pas le vocabulaire abstrait, mais le vocabulaire de l’abstraction et nous en sommes conscients. Un exemple à propos de l’opposition concret/abstrait : le cas de la comparaison de supériorité : le français dira : « X est plus beau que Y », dans la plupart des langues africaines la même idée se dit par l’expression « X est supérieur à Y en beauté ». Entre les deux expressions, la française est bien plus concrète. Un autre exemple à propos du générique : prenons la notion de « frère » ou de « sœur » : là où le français n’a pas de terme générique pour désigner seulement la relation entre deux individus sans précision de sexe, des langues comme le baoulé ou l’agni ont un terme générique qui est en baoulé niaan. Si je dois préciser le sexe, j’ajouterai bla ou yasua . Ce qui donnera niaan bla pour « sœur » et niaan yasua pour « frère ».

Cinquième canard : On dit également que les langues africaines sont simples. On part du postulat que, vu le niveau technique pas très élevé des peuples africains, les langues pour exprimer ces cultures ne peuvent être qu’élémentaires. En réalité, il n’y a pas de lien entre le niveau technique des populations et la structure des langues. Les langues de l’antiquité classique, grec et latin, de même que le russe moderne, ont une grammaire plus complexe que l’anglais et le français modernes. En Afrique centrale, à proximité de l’équateur, on trouve des langues de structures très simple comme le ngbaka, et des langues qui figurent parmi les plus complexes du monde comme le rwanda. En Côte d’Ivoire même, l’ega avec ses douze classes nominales fait partie également des langues complexes (cf Annexe 2).

Après avoir, je l’espère, aidé à déboulonner un certain nombre de vieux volatiles, il me reste  à lister les tâches qui doivent nous permettre de faire des langues nationales des vecteurs essentiels de la renaissance ivoirienne.

Première tâche : la proclamation de l’origine commune des langues ivoiriennes

On sait que les langues évoluent et changent dans l’espace et le temps. Une même langue peut au cours du temps se diversifier et donner naissance à plusieurs langues. Ainsi le latin en évoluant différemment suivant les régions a donné naissance aux langues romanes : italien, français, roumain, espagnol, catalan, portugais, etc. De même les langues germaniques (anglais, allemand, flamand, suédois, norvégien, danois, etc.) ont une origine commune. Les études linguistiques du 19e siècle ont permis de découvrir que de nombreuses langues d’Europe, d’Iran et d’Inde étaient apparentées et formaient une grande famille appelée « indo-européen » dont l’origine remonte à plus de 5000 ans et qui s’est subdivisée en plusieurs branches : slave, germanique, romane, celte, indo-iranien, grec, latin, etc. qui ont ensuite donné naissances à de nombreuses langues. De même en Afrique, des études linguistiques menées depuis un siècle ont permis de découvrir que toutes les langues d’Afrique appartiennent à quatre familles, le Khoi-san, l’Afro-asiatique, le Nilo-saharien et le Niger-Congo (cf. Annexe 3)

La plus importante de ces familles est le Niger-Congo  qui s’étend du Sénégal (wolof, peul, sérère…) au Zambèse (swahili, zoulou…). Elle se divise en plusieurs branches : Atlantique, Mandé, Kru, Kwa, Gur, Adamawa, Bantou. etc.
Quatre branches de cette famille sont représentées en Côte d’Ivoire (cf. Annexe 4). Ce sont :
La branche Gur
La branche Mande, divisé en mande-nord et mande-sur
La branche KRU
La branche KWA

Mais au delà de sa grande diversité apparente, la Côte d’Ivoire manifeste une unité d’origine de ses langues puisque, nous l’avons vu, elles appartiennent toutes à la famille Niger-Congo. Même si ces langues sont actuellement très différentes en surface, elles présentent de nombreuses affinités de structures et de vocabulaire qui résultent de leur origine commune. En outre, si le fait de savoir que toutes les langues de Côte d’Ivoire sont apparentées offre peu d’intérêt pratique, il n’est cependant pas indifférent du point de vue de la conscience nationale, car cette communauté d’origine des langues reflètent probablement une communauté d’origine des peuples et une fraternité ancrée très loin dans le temps. C’est ici que les résultats du travail des linguistes peuvent aider à consolider le sentiment d’appartenance à une même nation des peuples apparemment si divers. Je voudrais le dire haut et fort : après que, pendant des décennies, on a insisté lourdement sur la diversité linguistique et ethnique de notre pays, on devrait pouvoir aujourd’hui inverser les choses et, en tenant compte des résultats de la recherche, insister tout aussi lourdement, sans démagogie aucune, pour proclamer que tous les peuples qui habitent notre territoire (et même au-delà) sont des peuples cousins, parce que probablement d’origine commune.

Deuxième tâche : l’Etat doit instituer une journée ou une semaine des langues et des peuples de Côte d’Ivoire. Pourquoi ? Avec les événements survenus ces dernières années chez nous, nous avons l’impression que les peuples de Côte d’Ivoire vivent peut-être ensemble depuis des années, mais en réalité ne se connaissent pas. Ils ne sont pas nombreux les Ivoiriens qui sont capables de parler de la culture d’autres ethnies que de la leur sans tomber dans le superficiel si ce n’est la caricature stigmatisante. Cette journée ou cette semaine permettrait aux ethnies de Côte d’Ivoire de se découvrir mutuellement. Ce serait l’occasion de formidables échanges au cours desquels on ferait passer en priorité l’idée  d’une origine de ces peuples qui parlent des langues qui sont d’origines commune.

Troisième tâche : le travail entrepris par les instituts de recherche comme l’ILA ou le GRTO doit bénéficier du soutien de l’Etat, car il est temps que ces travaux sortent du domaine de la clandestinité pour une prise en charge collective de notre patrimoine linguistique et culturel commun.
On doit encourager l’alphabétisation dans les langues pour que l’on produise dans ces langues de la littérature et des textes scientifiques.
Au bout de tout cela, le peuple de Côte d’Ivoire devrait se retrouver et engager un vrai débat sur le devenir de ses langues et trouver les modalités de les préserver. Il n’est pas exclu que lorsque toutes les ethnies de Côte d’Ivoire se connaîtront mieux et s’apprécieront, et qu’elles auront la conviction d’appartenir à la même nation en construction, elles règleront de façon consensuelle la question de la ou des langue(s) à promouvoir pour en faire un ou des moyen(s) plénier(s) de son développement social, économique, politique et culturel en complémentarité avec le français.

Conclusion

Après avoir soulevé quelques problèmes pour nourrir le débat, je voudrais conclure en citant ces paroles de notre regretté Professeur Joseph Ki-Zerbo à propos des langues nationales : « Pour repenser l’Etat à partir de la nature plurinationale des sociétés, écrit-il, il faudrait à mon avis, revenir à l’alphabétisation et à la scolarisation dans les langues maternelles africaines. Cela donnerait place à l’identité de chacun ». Plus loin il poursuit « On appelle nos pays des pays francophones, anglophones ou lusophones malgré le fait que jusqu’à 70 ou 80% des populations ne parlent pas ces langues. 80% de la population sénégalaise parle le wolof. Pourtant on ne dit pas que le Sénégal est wolofophone mais francophone.[…]. Le problème des langues est fondamental parce qu’il touche à l’identité des peuples. Et l’identité est nécessaire pour le développement comme pour la démocratie. Les langues touchent aussi à la culture, aux problèmes de la nation, à la capacité d’imaginer, à la créativité. Quand on répète dans une langue qui n’est pas originellement la sienne, on a une expression mécanique et mimétique de soi, sauf exceptions, (mais gouverne-t-on pour les exceptions ?). On ne fait qu’imiter. Alors que quand on s’exprime dans la langue maternelle, l’imagination est libérée. » Et j’ajoute  pour conclure définitivement cette fois-ci: chaque culture a le droit d’échapper au regard homicide et cannibale des cultures de proie ; mais elle a également le devoir de jeter des ponts qui la délivrent du ghetto et du froid de la mort. La promotion des langues  africaines constitue un de ces ponts.

                                                      Je vous remercie

1)    Références bibliographiques :

KI-ZERBO Joseph, A quand l’Afrique ? Entretien avec René Holensten,Editions d’en bas, l’Aube, Eburnie, Ganndal, Jamana, Presses universitaires d’Afrique, Ruisseaux d’Afrique & Sankofa et Gurli, 2003,
TERA Kalilou et Touré Siaka, Propositions pour la création d’un vocabulaire 
scientifique en jula, ACCT, ILA, 1983
GASSAMA Makhily, L’Afrique répond à Nicolas Sakozy. Contre le discours de Dakar, Philippe Rey,2008.


2)    Annexes :

Annexe 1 : L’enrichissement des langues africaines: exemple du dioula. Comment procède-t-on?

a)     Premièrement : on puise, dans le stock lexical disponible un mot pour désigner l’objet ou le concept en question ;
b)    Deuxièmement : quand on n’a pas trouvé un mot qui convienne, on en crée un qui respecte de toute façon la structure de la langue
c)     Troisièmement : on emprunte (si c’est nécessaire) le terme à la langue de départ quitte à le plier au phonétisme de la langue d’accueil.

Les différents procédés :
a)     La composition :
Le dioula, comme d’ailleurs toutes les langues ivoiriennes, offre une gamme variée de possibilités de combinaisons :

Nom + Nom     ®     Nom, Ex. :  nEgE + so = cheval-fer = bicyclette
Nom + Verbe   ®     Nom, Ex: mOgO + faga = personne-tuer = meurtre
Verbe + Nom   ®     Nom   Ex. : karan + mOgO= enseigner+personne= enseignant
Nom + Adjectif  ® Nom   Ex. : lO-jan = arrêt-long = longeur
Syntagme postpositionnel + Nom ® Nom, Ex. : ji!  +  kan + ku!run = eau + sur + véhicule = barque
Syntagme pospositionnel + Verbe ® Nom, Ex. : ji! + ka!n + ta!gama = eau + sur + voyager = navigation

Verbe + Syntagme postpositionnel ® Nom, Ex : kEÚ + nÚ  + yErE + ye = faire + soi + même + pour = secteur privé

Verbe + verbe + Nom, Ex. :doÚmi  + ka + faÚ= manger + et + rassasier = autosuffisance alimentaire
Etc.



b) La dérivation :

Le dioula utilise également différents procédés de dérivation en utilisant un nombre significatif de suffixes ou de préfixes. J’ai dénombré onze (11) suffixes et quatre (4) préfixes. Mais il doit y en avoir plus.
Ex. : -nan : il s’affixe à un numéral pour donner un nom exprimant ou le rang ou la fraction :

saÚbanan :  troisième
taÚla sabanan :  le tiers

c)La réduplication :

A ces procédés dérivatifs, on peut ajouter un autre procédé très productif, c’est la réduplication qu’utilisent d’ailleurs la plupart des langues africaines :
Ex. : diÙgidigi = masser, de diÚgi = exercer une pression

d)    Les idéophones
Etc.

Annexe 2 : L’utilisation des tons à fonction grammaticale :

Par exemple, c’est une commutation de ce type qui apparaît lorsqu’on rapproche deux phrases bambara telles que :

----------·-------------------------
--·-------------·------·-----------
------------------------------------
--------------------------------·---
 a        ja       ci       ku       nu                  « il l’a envoyé hier »

----------·--------------------------
--·-------------------·--------------
-----------------·-------------------
--------------------------------·----
  a        ja       ci      ku        nu                  « il l’a brisé hier »

Cette commutation présente en effet les caractéristiques suivantes :

-         dans le contexte envisagé, la commutation entre ci « envoyer » et ci « briser » fait apparaître de façon stable (et en particulier, indépendamment du phénomène intonatif) une différence de hauteur ;

-         le nombre de hauteurs tonales opposables dans ce contexte est strictement limité, révélant ainsi le caractère discret des unités mises en jeu ; précisément, quel que soit le verbe bambara monosyllabique qui prenne dans ce contexte la place de ci « envoyer » ou de ci « briser », on obtiendra nécessairement, ou bien le même contour tonal qu’avec « envoyer » (ainsi avec f¡ « dire », to « laisser », etc.), ou bien le même qu’avec « briser » (ainsi avec ta « prendre », ko « laver », etc.) ;

-         enfin, en reprenant dans d’autres contextes ces mêmes commutations, on constate que de manière générale la commutation entre ci « envoyer » et ci « briser » détermine régulièrement une différence de hauteur ou de contour tonal – même si cette différence n’est pas toujours identique à celle observée dans le premier contexte considéré ; par exemple :

----------·-------·------·-----------
--·-----------------------------------
---------------------------------·---
------------------------------------       
  a       ma       ci       ku       nu                   « on ne l’a pas envoyé hier »


----------·--------------------------
--·---------------------·------------
-----------------·-------------------
--------------------------------·----
  a        ma       ci      ku        nu                   « on ne l’a brisé hier »

Ainsi donc le ton a une valeur lexicale et grammaticale.


Annexe 3 : Les quatre familles linguistiques africaines


carte 2




Annexe 4 :