mercredi 23 janvier 2013

ALTERNATIVE POUR LA COMMEMORATION DU CINQUANTENAIRE DE L'INDEPENDANCE


FASCICULE 4, ALTERNATIVE POUR LA COMMEMORATION DU CINQUANTENAIRE DE L’INDEPENDANCE DE LA COTE D’IVOIRE
par Traoré Adama et yao N'Guetta. Les PPA, les Presses Per Ankh d’Abidjan, février 2012


   1 - LA PLACE DES PEUPLES ET CULTURES DE COTE D’IVOIRE DANS LE CINQUANTENAIRE DE L’INDEPENDANCE.
Par Traoré Adama membre de kemetmaat

Présentation du texte :
Ce texte, rédigé en 2010, est une contribution de Kemetmaat qui propose sa vision de la commémoration du cinquantenaire de l’indépendance de Côte d’Ivoire. Il a été présenté au Comité National pour le Cinquantenaire de Côte d’Ivoire (CNCCI) et paru dans le  magazine culturel Scrib – Magazine.  Les auteurs observent que cinquante après l’indépendance et malgré elle, les cultures nationales sont expulsées de l’espace publique et réduites à la clandestinité. Pour l’Association, la commémoration de cinquantenaire doit être l’occasion de consacrer la reconnaissance des peuples de Côte d’Ivoire et de leurs cultures en leur accordant la juste place qui leur revient dans l’organisation des festivités et tracer ainsi les sillons pour l’avenir.

1 :  L’analyse

Depuis plus d’un siècle, les peuples de Côte d’Ivoire sont privés pour l’essentiel de la reconnaissance pleine et entière de leur patrimoine culturel, relégué au rang de folklore.

La vie quotidienne nous donne à voir de nombreuses illustrations de cette situation.

La mémoire nationale est monopolisée par les héros français de la colonisation, les hommes et les faits socio-politiques français ; Bingerville, Treichville, Clozel, Angoulvant, Latrille, de Gaulle, Valérie Giscard d’Estaing, François Mitterrand, monument aux morts du plateau au fronton duquel est gravée la croix de la Lorraine, etc.

La ville de Bingerville porte encore le nom Louis-Gustave Binger, premier gouverneur de la Côte d’Ivoire.

L’arrêt du 27 décembre 1934 décide de manière autoritaire que « L’agglomération d’Anoumanbo, faubourg d’Abidjan, portera désormais le nom de Treichville ». Treich- Laplène est considéré par l’histoire coloniale comme le fondateur de la colonie de Côte d’Ivoire.
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François Clozel, Gouverneur de la Colonie de Côte d’Ivoire (1902-1908) porte la responsabilité des massacres de son gouvernorat.
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Le bourreau Grabriel Angoulvant, Lieutenant Gouverneur de la Colonie de Côte d’Ivoire ( 1908-1916). Auteur de génocides et des massacres des peuples. Il a définitivement défait et démantelé  les anciens Etats, leurs structures économiques et sociales.  Il reçoit ici la réédition des chefs indigènes.
Des villages, villes, peuples et personnes ont gardé les noms déformés ou fantaisistes  que leur avaient attribué les administrateurs coloniaux.

Au niveau de l’éducation nationale, l’enseignement de l’histoire des peuples d’Afrique et de Côte d’Ivoire en particulier est une entreprise frustrante de falsification et d’occultation.
L’enseignement des cultures nationales est réduit à la portion congrue avec notamment l’utilisation d’une langue étrangère (le français) comme langue exclusive d’enseignement. L’usage des langues nationales dans les institutions et les administrations publiques et privées est exclu par les textes et/ou dans la pratique.

Il en est ainsi des costumes nationaux. Les cultes autochtones n’ont pas comme les cultes importés, accès aux subsides de l’Etat et aux médias. Les autorités traditionnelles qui étaient en première ligne de la lutte anticoloniale sont instrumentalisées par l’administration et réduit au statut  d’auxiliaire.
Houphouët- Boigny et Kouamé N’krumah deux projets culturels différents à travers le symbole des costumes le jour de la proclamation de l’indépendance de leur pays. A gauche Houphouët et son épouse  en costumes européens le 7 Août 1960 et à droite Kouamé N’Kumah et les membres de son cabinet en costume africain le 6 mars 1957. C’est le projet de l’assimilation de la culture française contre celui de l’affirmation de la culture africaine.

Au total, les cultures nationales sont expulsées de l’espace publique, et réduites à la clandestinité. Avec elles, les  peuples porteurs de ces cultures. Sous le prétexte de la lutte contre le tribalisme et la défense de la forme républicaine de l’Etat, l’identité et la personnalité des peuples sont niées.

Pourtant, l’indépendance pour la Côte d’Ivoire devrait être l’acquisition de sa totale souveraineté par opposition au fait d’être régenté par une autorité coloniale. Cette souveraineté est politique mais elle  se décline sous différentes formes ; économique, militaire, culturelle, etc. ;

Le cinquantenaire doit contribuer à redonner au mot indépendance le sens que lui donnaient nos pères et nos mères. En effet, en luttant contre le colonialisme, les ivoiriens cherchaient à se libérer de toutes les formes d’oppression mais en particulier ils se battaient pour préserver leur personnalité c'est-à-dire leur histoire, leur mémoire, leur vision du monde, leurs mythes, leur langue,  leur spiritualité en un mot leur culture.

Les dirigeants africains de Lôkhoda (Côte d’Ivoire) ont lutté jusqu’au bout pour leur indépendance. Ici une scène de reddition des souverains visant à les humilier.

En commémorant l’indépendance, c’est d’abord les peuples, acteurs de cette indépendance qui sont célébrés.

Aussi le cinquantenaire de l’indépendance de la côte d’Ivoire doit – il consacrer la reconnaissance des peuples de côte d’Ivoire et de leurs cultures en leur accordant la juste place qui leur revient dans l’organisation des festivités.

En le faisant, le cinquantenaire aura par la même occasion tracé les sillons de l’avenir pour une Côte d’Ivoire indépendante réconciliée avec son identité culturelle, c'est-à-dire avec elle – même.

Le cinquantenaire doit s’offrir à nous comme une étape historique de l’affirmation de la personnalité culturelle de la Côte d’Ivoire.

Partie 2 : Les propositions

Aussi nous proposons deux  axes d’actions :
- Les festivals des peuples, des langues et des cultures de Côte d’Ivoire,
- Les actions en faveur de la  mémoire nationale.

21)    Les Festivals régionaux des peuples, des langues et des cultures de Côte d’Ivoire

Les Festivals régionaux  des peuples, des langues et des cultures de Côte d’Ivoire sont un ensemble de manifestations qui visent à mettre en exergue la richesse du patrimoine culturel des peuples de Côte d’ivoire ;  histoire, langues, mythes, littérature, arts, sports, jeux, gastronomie, costumes etc.

Par ailleurs il s’agit également de permettre une participation active et populaire des citoyens à la célébration du cinquantenaire.

Les festivals sont déterminés en fonctions des  grands ensembles linguistiques et culturels de la Côte d’Ivoire. Kemetmaat propose 8 festivals qui se dérouleront dans les villes suivantes après concertation avec les autorités traditionnelles :
- Gagnoa ( Krou)
- San-Pédro (krou du sud)
- Korhogo (Gur)
- Man (Mandé du Sud)
- Odiénné (Mandé du nord),
- Sakassou ( Akan baoulé)
- Abengourou (Akan Agni)
- Abidjan (Akan lagunaire)

L’usage des langues nationales et des costumes pendant ces manifestations seront privilégiés.
Chaque Festival comprend au moins les activités suivantes :

1 -Une cérémonie d’ouverture du festival en collaboration avec le collectif des autorités traditionnelles suivi de parades des danses
2 – Un atelier de réflexion multilingues français/ langues nationales. Il sera organisé pour permettre un dialogue entre chercheurs, autorités traditionnelles, politiques  et intellectuels sur le thème « sauvegarde et usage des cultures de côte d’ivoire dans la société moderne ».
3 – Des expositions d’objets d’art de l’aire culturel considéré accompagnées par des conférences- débats multilingues français/langues nationales seront organisées.
4  - Une soirée populaire de contes, légendes et théâtre.
5 -  Une soirée populaire de prestations de danses, de musiques et de chansons
6 - Une journée consacrée aux jeux et sports spécifiques aux peuples considérés
7 - Un concours de démonstrations gastronomiques
8 –Un concours de costumes du territoire considéré ; traditionnels ou modernes sera organisé par des professionnels de l’aire.
9 – Une fête de la culture et des langues dans les écoles. Une séance de cours sur l’histoire et la civilisation de l’aire sera organisée pendant cette journée.
10 – Une grande parade de clôture du festival (carnaval).


Sankôfa est le nom donné par les akan à un oiseau migrateur et qui  se traduit littéralement par retourne (san), va (kô) ramène (fa). Il  signifie « se nourrir  du passé pour mieux aller de l’avant ». C’est la quête akan de la connaissance

22) Les actions en faveur de la mémoire nationale

Un comité scientifique doit être mis en place pour réfléchir  sur la place de la mémoire nationale et de l’histoire dans notre société et mettre en œuvre quelques recommandations.

-  De la nécessité de la révision des dénominations des lieux géographiques et des personnes.

Quand le colonisateur s’est emparé de la Côte d’Ivoire, il l’a rebaptisé d’après lui-même, s’imposant comme la source unique et « universelle » du savoir. En effet l’un des premiers actes posés par les navigateurs et les administrateurs a été de renommer les espaces, les cours d’eau, les villes, les peuples et les personnes etc.

Le pouvoir de se nommer est au coeur de la question de la souveraineté nationale  car « l’ultime liberté, celle dont toutes les autres dépendent en dernière instance, est la liberté de nommer soi- même sa propre réalité » (Ama Mazama, 2003).

Un atelier de réflexion examinera la question de la mise en concordance des noms des lieux géographiques, des peuples et des personnes avec la mémoire nationale.

Il s’agit de redonner aux peuples, personnes, villages, villes, collines, montagnes et cours d’eau  leur nom d’origine. Dans cette perspective, une réflexion sur le nom de la Côte d’ Ivoire devra être également entreprise. On sait par exemple que le mot Cote d’voire serait la traduction par la France du mot lôkhoda, mot utilisé par les indigène du pays krou pour désigner leur pays et qui signifie en langue krou le « pays des éléphants ».

Il s’agit également de « débaptiser » les lieux publics qui portent les noms des colons pour leur attribuer les noms des précurseurs de la lutte anticoloniale, des héros de l’indépendance et des hommes et femmes qui ont marqué la vie politique, sociale et culturelle de la Côte d’Ivoire pendant les cinquante ans qui ont suivi les indépendances.

Il faudrait d’ailleurs proposer la révision de la politique de « nomination » des rues et des villes de Côte d’Ivoire. Il faut remplacer les lettres et chiffres actuels par :
- Des noms tirés de la faune, de la flore, de la géographie (montagnes, fleuves et rivières, lieudits, etc) et de l’histoire de notre pays ;
- Des noms de héros nationaux, de personnalités qui ont marqué notre histoire, de rois et de reines de légende ou simplement historiques ;
- Des noms des peuples et langues de Côte d’Ivoire ;
- Des noms de nos artistes, intellectuels et écrivains qui ont marqué leur époque.
Dans tous les pays normaux du monde, l’histoire se lit aussi à travers les noms des rues !

-  De la place de la culture nationale et de l’histoire dans les programmes et manuels scolaires

Une évaluation de la place de la culture nationale dans l’enseignement s’impose. La commission fera une critique des programmes et des manuels scolaires dans la perspective d’accroître la place de la culture nationale et notamment celle de l’histoire de la Côte d’ivoire et de l’Afrique.

-  De la mémoire de l’indépendance et de la lutte anti-coloniale

Le cinquantenaire doit se préoccuper de la place de l’indépendance et de la longue lutte anti-coloniale dans la mémoire collective.


Le travail forcé en Côte d’Ivoire. Aucun symbole pour se souvenir de  grand crime

Aussi à Sakassou, Tiassalé, Bouaké, Abengourou, Zaranou, Daloa, Bouaflé, Séguéla, Dimbokro, Treicheville, Grand-Bassam et dans toutes les villes ou tous les villages où sont tombés les martyrs de la lutte anticoloniale, des monuments  devraient être construits en leur mémoire.

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Le Sénateur Victor Biaka Boda, militant anticolonialiste RDA assassiné en 1950. Sans doute assassiné par les forces françaises.

Les anciens monuments et leur place doivent être restaurés. Exemple : Le monument situé à la place de la république à Abidjan. La place elle-même doit être restaurée.

La mémoire doit prendre également en compte les périodes antérieures à celle de l’après guerre. Il faut remonter à la première résistance contre la « pénétration coloniale ».

A cet effet, le gouvernement pourrait réclamer les restes mortels de grands résistants déportés et envisager des funérailles nationales.

Les monuments peuvent également incarner l’idée d’indépendance puisée dans nos mythes, légendes et notre histoire.

Une stratégie de communication sera élaborée pour faire connaître aux jeunes générations, les péripéties de l’histoire de la lutte pour l’indépendance à travers les séries télévisées, les émissions scientifiques, les conférences et débats, les expositions, les publications, les arts populaires comme le théâtre, la littérature, les spectacles, les bandes dessinées  etc. Les lieux où se sont déroulés les évènements de 1949 et 1950 comme Treichville, Grand-Bassam, Dimbokro etc. devront faire l’objet de nombreuses animations.

Le monument à la mémoire du grand résistant, le Roi de Bonoua, Kadjo Amangoua. Un exemple à suivre par toutes les villes de Côte d’Ivoire.

2 - CINQUANTENAIRE DE L’INDEPENDANCE : POUR UNE CONSECRATION DES PEUPLES ET CULTURES DE                      CÔTE D’IVOIRE

Yao N’Guetta

Présentation du texte :
L’auteur démonte avec méthode, le mécanisme de dévitalisation et de dégénération des peuples et cultures d’Afrique pris au piège dans le jeu des rivalités impérialistes de l’orient  islamique et de l’occident judéo-chrétien. La période des  indépendances à été paradoxalement un moment d’intensification du processus d’assimilation culturelle et religieux sous le couvert hypocrite du modernisme. Il fait l’Etat des lieux exhaustif de la situation socioculturelle de la Côte d’Ivoire avant de suggérer les nouvelles perspectives dans lesquelles le mot indépendance aurait un sens et qui devraient permettre à l’ivoirien de retrouver son Centre perdu.

1) Exposé des motifs
Tombée successivement face aux impérialismes de l’Orient islamique et de l’Occident judéo-chrétien, qui ont bouleversé le cours de son destin, l’Afrique noire peine à se relever, prise, depuis lors, dans l’engrenage de rapports de forces préjudiciables  à ses intérêts fondamentaux. La proclamation des indépendances des Etats n’à point signifié, loin s’en faut, une possibilité de récupération et de régénération de leurs peuples et leurs cultures. Pire, la soumission violente et méthodique de ceux-ci aux critères des vainqueurs, a donné lieu à leur dévitalisation progressive et a une dépersonnalisation générale des Africains, désormais décentrés par rapport à eux-mêmes, et tendant vers une sorte de vacuité culturelle et existentielle.

Déjà, les populations islamisées ont perdu, pour la plupart, jusqu’à l’usage de la chose la plus élémentaire donnée à chaque communauté humaine en ce monde : l’appellation spécifique de Dieu. Bien de musulmans africains sont étonnés d’apprendre qu’Allah ne soit pas un mot de leur langue maternelle. Sans parler des prénoms (noms de saints, nous dit-on !), sans lesquels, semble-t-il, ils n’auraient point de noms propres !

Les populations christianisées, de toutes sectes confondues, à colonisation relativement plus récente, sont sur la même voie : de plus en plus de chrétiens africains n’ont plus de chansons, de lectures (pour les lettrés) et de pensées que religieuses.

Sous la tapageuse pression d’un prosélytisme tous azimuts mené de jour comme de nuit, des « non croyants » plutôt inconséquents se retrouvent, par contagion, embarqués dans le même mouvement.

Du fait de leur longue et profonde aliénation aux valeurs arabo-musulmanes, des musulmans ajoutent même à leurs prénoms arabes, des prénoms chrétiens, à travers lesquels ils croient consacrer leur pseudo modernité et leur rapport particulier à la civilisation. La mode est maintenant à la pêche aux noms hébreux, dits bibliques !

Il est posé chez l’ensemble, comme allant de soi, l’usage des prénoms liés à la colonisation et à l’aliénation culturelle qui, de l’exception qu’elle devrait être, est devenu pratiquement la norme : vous paraitriez bien excentrique et étrange, ou simplement dépassé, de ne point enfiler un chapelet de prénoms judéo-chrétiens ou arabo-musulmans avant ou après votre nom africain, perdu et tout malheureux à un bout ou à l’autre de la ligne ! en cas d’abréviation, on vous trouvera toujours bien in de préférer rendre muet et anonyme celui-ci, pour laisser sonner ceux-là, qui passent pour être la marque ronflante de notre évolution.

Ces prétendus « évolués », qui confondent modernisme et extraversion aliénante, en sont arrivé non seulement à mépriser ce qui leur est propre, mais en plus, dans bien des cas, à le tenir pour l’expression d’un primitivisme, voire pour une manifestation du Diable, avec lequel il croit devoir »couper tout lien », d’un coup de croix ou de croissant magique ! Leurs ancêtres sont déclarés polythéistes, ils ne connaitraient pas Dieu,  avant l’arrivée des blancs.

Eux-mêmes les bienheureux, particulièrement plus intelligents et raisonnables, auraient reçu, par le baptême, l’âme qui leur eu manqué pour être de vrais homme !

On a vu, par ailleurs comment le retour aux sources africaines de certaines générations de noirs américains rejetant les noms occidentaux(notamment anglais), qui les liaient à la tragédie de l’esclavage, s’est arrêté à l’Afrique islamisée : ainsi le plus grand boxeur de tous les temps, s’est-il débarrassé de Cassius Clay  pour chausser Mohamed Ali, prétendant y retrouver ses origines !

Dans un sens, certaines résistances à la pénétration coloniale occidentale et des valeurs judéo-chrétiennes, ont été le fait de portes étendards islamiques. Al Mamy Samory Touré ou El Hadj Omar et bien d’autres, étaient plutôt des défenseurs et propagateurs de valeurs arabo-musulmanes assimilées comme relevant de leur culture anthropologique et de leur identité profonde.

Les peuples d’Afrique et leurs espaces se retrouvaient être un objet de convoitise et de conquête, autant pour les nouveaux envahisseurs occidentaux que pour les continuateurs africains de l’expansionnisme islamique sur notre continent.

Aujourd’hui, bien de conflits à caractère strictement religieux, ou sociopolitique d’implication religieuses, apparaissent comme des avatars d’une lutte de positionnement hégémonique entre l’Occident judéo-chrétien et l’Orient islamique, au moment où s’apaisent, dans le monde d’après guerre froide, les affrontements d’ordre purement idéologique entre capitalisme/libéralisme et socialisme/communisme, qui ont secoué le XXème siècle.

Après avoir été -ou tout en continuant d’être- plus ou moins des inconditionnelles d’un bord idéologique ou de l’autre, il n’est pas étonnant que les élites mal inspirés conduisent leurs affrontements politiciens, en terme de chrétien contre musulman/musulmans contre chrétiens, et qu’elles fassent des clivages religieux, du reste, ethnicisés du fait de l’assimilation, leur fonds de commerce politique, dans la lutte pour le pouvoir.

C’est bien ainsi que certains leaders ont cru devoir exiger « une alternance ethnico religieuse en Côte d’Ivoire ». Cela s’entend : après des présidents chrétiens vive les musulmans à la tête du pays, dans cette République pourtant laïque de par sa Constitution, que les mauvais esprits veulent réduire à deux expression religieuses, et aussi fallacieusement voir divisée entre un Nord musulman et un Sud chrétien.

En dehors de ces deux modèles socioculturels et religieux autoproclamés comme les seuls porteurs de valeurs de civilisation, point de salut pour tout autre vision, notamment en Afrique, dirait’on.

Caractéristique des promoteurs et défenseurs impénitents de la civilisation de l »hégémonisme, le fort désir  d’empire et l’universalisme qu’ils développent du haut de leur prétention, porte l’écrasement et l’exclusion des valeurs culturelles des peuples dominés. Ils ont en horreur toute différence ‘que dis-je, la moindre nuance !) ; ils opèrent au quotidien, une sorte d’ethnocide socioculturel auquel participent, d’ailleurs, les nègres éternels, coresponsables de notre mort, par action consciente, par ignorance ou simple naïveté.

Cinquante ans après la proclamation de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, le 07 août 1960, le tableau de la situation socioculturelle dans notre pays, qui est, certes, loin d’être une exception en Afrique noire, n’est point reluisante ni rassurante !

Et pour cause, comment comprendre autrement :

- Que la connaissance profonde et exacte de l’histoire des peuples et cultures de Côte d’Ivoire, reste encore soumise à la sémiologie française ;

- Que la mémoire nationale soit supplantée par celle de l’ex-puissance coloniale, et dominée par ses héros coloniaux, dont les noms de tristes souvenirs, courent nos rues, boulevards et autre places publiques ;
- Que nous continuions encore d’être nommés par l’autre, oriental ou occidental, de garder sans rien y faire, les noms déformés du fait de transcriptions fantaisistes par les administrateurs coloniaux, donnés aux hommes, à des communautés et/ou localités ;

- Que soit absent de notre système éducatif, l’enseignement des langues, littératures et civilisations des peuples de Côte d’ivoire ;


- Qu’il n’existe toujours pas une véritable politique linguistique en faveur des langues nationales ; pour les tirer de la marginalité où elles sont encore maintenues, leur donner le statut de la place centrale qui doit leur revenir, et les inscrire pleinement dans la perspective de leur développement durable, tel que nous l’enseigne pourtant, l’approche des langues dominantes du monde, que certains d’entre nous croient sans doute, tombées tout droit d’un ciel à générosité sélective ;

- Qu’un Etat aussi pauvre que le nôtre, seulement heureux d’être inscrit aux PPTE, continue de payer sur son budget, ses nationaux pour enseigner et promouvoir les langues, littérature et civilisations d’autres pays,  par ailleurs plus nantis, alors que celles de ses propres peuples, se meurent dans le confinement et la négligence où elles sont tenues ;


- Que nous ne sachions encore comment retrouver notre esprit pas trop extroverti, comme envoûté par excès d’aliénation ?...
Au total, les cultures nationales –avec les peuples qui les portent- sont expulsées de l’espace public officiel et reléguées à la périphérie de notre propre société, gérée par des élites qui gagneraient elles-mêmes à être désaliénées. Tout au plus sont-elles tenues pour folklore… destiné à amuser la galerie.

Le processus général de dé civilisation et de dépersonnalisation des populations est entré véritablement dans sa vitesse de croisière : avec le temps et les moyens techniques actuels plus performants, graissés par l’argent roi des affamés, qui irrigue mille et un réseaux soutenu par des concepts et un langage hypocritement généreux et moins brutal. « Francophonie », « espace francophone », « Commonwealth », « World culture » et autre du même style, sonnent moins « empire » et « impérialisme » ! Que signifie « l’inculturation », en vogue notamment dans les milieux religieux, si ce n’est une des nouvelles trouvailles de l’assimilationnisme qui, de façon subtile, (en mordant et y soufflant en même temps), pour la saigner de la substance différentielle de nos peuples, pour continuer d’étendre et de renforcer son objet et son champ ?

Si l’on y prend garde, il achèvera bientôt de dérouler son puissant rouleau compresseur sur nos cultures déstructurées, dévitalisées et exsangues : avec nous-mêmes comme partie intégrante et moteur de son mouvement, auquel, malheureusement, nous contribuons, d’une façon ou d’une autre, avec toute notre énergie et notre génie mal orienté, contre nous- mêmes.

Comment nier, en effet, notre part de responsabilité dans ce qui nous arrive ? Une partie - si ce n’est la totalité- de la solution du problème réside dans le problème… L’enfer, dans le cas d’espèce, comme dans bien d’autres, ce n’est point seulement l’autre…

En tout état de cause, il est de la liberté comme de la dette ; elle n’est pas portable, elle est quérable.

Quand on est tombé ; on doit pouvoir se relever, pour continuer la marche. Nous le ferons par nous-mêmes, pour nous-mêmes et pour la postérité ; pour l’Humanité, qui ne doit point s’appauvrir de l’absence de nous et de nos motifs et nuances de couleurs de la mosaïque du beau tapis, qu’elle constitue, riche de tous les peuples et de toutes les cultures du monde entier.

Au cours des cinquante années écoulées, les cultures de la Côte d’Ivoire indépendante n’auront survécu qu’en s’appuyant particulièrement, sur leurs capacités intrinsèques de résistance, dans un environnement difficile, marqué par les puissantes pesanteurs coloniales ou globalisantes, ainsi que par l’inconséquence notoire et la complaisance voire la démission des élites intellectuelles et politiques.

La célébration du cinquantenaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire doit être donc, l’occasion pour les Ivoiriens de faire le point et d’ouvrir de nouvelles perspectives, dans lesquelles le mot indépendance aurait un sens.

Il conviendra de poser, à la suite d’une analyse diagnostic pertinente, les bases permanentes de la consécration et de la régénération des peuples et cultures, qu’il importera de nous donner les moyens d’inscrire résolument dans leur développement durable, tel que commande la pleine conscience des enjeux nationaux et universels de notre modernité.

2) Propositions de Kemet-Maat
Nos propositions se situent aux deux niveaux de l’analyse diagnostic et des perspectives.

         2.1) Analyse diagnostic

            2.1.1) La Côte d’Ivoire à débat
- A. Colloque scientifique

Sur le thème : « Analyse diagnostic de la situation générale des peuples et cultures de Côte d’Ivoire et perspectives »

-B. Conférences débats
Sur le même thème au plan sectoriel relativement à chaque aire linguistico culturelle ou « Pays »
      2.2) Perspectives ; Régénération et développement durable des peuples et                 cultures de Côte d’Ivoire

         2.2.1) Mise en place d’institutions de régénération et de développement durable

- A. Création d’un forum National des Peuples  et cultures de la Côte d’Ivoire, haut lieu de rencontres et d’échanges interculturels, instrument de rapprochement et de solidarité entre les communautés nationales,

- B. Création de groupes Artistiques Polyphoniques (GAP) au plan national et dans les Aires linguistico culturelles ;

- C. Construction d’une Maison d’Afrique pour les peuples et cultures ;

- D. Création d’une Académie des Langues Nationales de Côte d’Ivoire, avec des représentations locales, à travers des Commissariats aux langues de « pays ».

- E. Institution d’une Semaine Nationale des Peuples de Côte d’ivoire, autour de la période de la Fête Nationale, afin que celle-ci soit la fête des peuples.

      2.2.2) Réflexions prospectives

- A. Exposition de résultats de travaux d’intérêt culturel ç travers différents ateliers aux plans national et local

- B. Conférence débats

- C. Ateliers de sensibilisation et de formation sur les peuples, langues et cultures de Côte d’Ivoire, au plan national local.

    2.2.3) Organisation d’activités festives

- A. Organisation en 2010, de la 1ère édition du Festival National des Peuples, Langues et Cultures de Côte d’Ivoire.
A cette occasion, auront lieu :
- Expositions
- Foires
- Spectacles
- Jeux et sports spécifiques de la Côte d’Ivoire.


Le Popo-carnaval. Défilé mettant en scène le crime du travail forcé.
2.2.4) Proposition de révisions

- A. Révision des programmes scolaires visant la restauration de l’enseignement de l’histoire de la côte d’ivoire et de l’Afrique, et l’introduction des Langues, Littérature et civilisations de la Côte d’Ivoire et d’Afrique dans l’enseignement.

- B. Révision des noms des lieux géographiques, des personnes,

- C. « Rebaptisation » des monuments, rues et places publiques.








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